Hommage à la Force noire

Dans son livre intitulé « La force noire », publié en 1910, le général Mangin avait défendu l’idée de constituer une puissante armée « africaine » à partir des territoires coloniaux appartenant à la France, afin de compléter les troupes métropolitaines. Que ce soit au Maghreb ou en Afrique noire, plusieurs unités avaient déjà été constituées avec l’incorporation d’autochtones, à l’instar du corps des Tirailleurs sénégalais, créé en 1857, ou encore de celui des Zouaves, en Algérie, dès 1830.

Ces soldats venus d’Afrique – mais aussi d’Asie, avec par exemple le 21e Bataillon de Marche Indochinois – que l’on appelait à l’époque « coloniaux », ont donc pris une part non négligeable dans cette guerre civile européenne que fût le premier conflit mondial.

« La France vous a libérés. Des captifs que vous étiez, elle a fait des hommes libres. Vous lui devez tout. Aujourd’hui, elle appelle vos fils mais entend toutefois ne pas vous contraindre en aucune façon. C’est à vous de décider, en toute liberté. » Tel est le discours que les autorités françaises de l’époque – en l’occurrence M. Descernet, l’administrateur d’une province du Haut-Sénégal (1) – tenaient pour trouver des volontaires parmi les populations indigènes.

Le recrutement était d’ailleurs difficile. « Les chefs tribaux ne présentent aux administrateurs que leurs plus faibles éléments. Si bien qu’avant de sélectionner 50 recrues en état d’être examinées, ils sont parfois contraints d’éliminer 300 à 400 individus » expliquait M. Clozel, le gouverneur général de l’Afrique occidentale française (AOF) de 1915 à 1917 (2). Pour être incorporé, le volontaire devait peser au moins 46 kg et mesurer 1,58 m. Enfin, dans le but de susciter les candidatures, les primes d’engagement avaient été portées de 40 à 200 francs.

Au final, ce sont 160.000 soldats d’Afrique qui participèrent aux batailles de la Première Guerre Mondiale. Près de 30.000 d’entre eux y perdirent la vie. C’est donc pour leur rendre hommage que le secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants, Jean-Marie Bockel, s’est rendu à Reims, en compagnie de Rama Yade, la secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, le 3 novembre.

Ainsi, M. Bockel a évoqué, devant des ministres et des ambassadeurs de pays africains, la défense de Reims, au cours de la seconde bataille de la Marne, au printemps et à l’été 1918, où les tirailleurs sénégalais se sont illustrés en écrivant « une page héroïque de l’histoire » de la Première Guerre Mondiale. Le secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants a également souhaité que cette « histoire exemplaire de la Force noire entre (..) dans tous les foyers et toutes les écoles de France, afin que nul ne puisse ignorer le sacrifice de ces hommes venus d’ailleurs. »

Au cours de cet hommage, un projet pour reconstruire un monument en hommage aux Héros de l’Armée noire a été présenté aux autorités présentes. Inauguré le 13 juillet 1924 (un autre identique l’avait été quelques mois plus tôt à Bamako), il avait été détruit par l’armée allemande en 1940, à l’instar d’ailleurs de la statue du général Mangin, à Paris.

Bien qu’un autre monument a été construit en 1963 pour symboliser l’union des combattants métropolitains et coloniaux, M. Bockel a promis un engagement de l’Etat aux côtés des collectivités locales afin de reconstruire – si possible à l’identique – celui qui avait été détruit sous l’occupation nazie.

(1) « L’appel aux colonies » – TAM de mars 1986 – Service d’information et de relations publiques des armées (SIRPA)

(2) idem

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