Les talibans font leur propagande

Deux reporters de Paris Match ont pu rencontrer 29 talibans de l’embuscade d’Uzbeen dans laquelle était notamment tombée une section du 8e RPIMa. L’hebdomadaire publie ainsi cette semaine les propos de leur chef, un certain « commandant Farouki », ainsi que des photographies montrant des insurgés ayant revêtu des effets personnels (casques, gilet par balles, veste de treillis) pris sur les corps de trois des dix soldats français tués, ainsi que deux Famas et un talkie-walkie. Ce groupe a trouvé refuge dans la province de Laghman, qui est sous la responsabilité des Américains.

L’impression qui se dégage à la lecture de ce reportage, qui n’a fait l’objet d’aucune mise en perspective de la part de la rédaction de Paris Match, est qu’il s’agit en fait d’une opération de propagande des talibans visant l’opinion publique française. Prendre la pose, devant des appareils photographiques de journalistes, en exhibant des « prises de guerre » – l’hebdomadaire parle de « trophée » – est pour le moins provocateur.

Mais outre ces clichés, le plus intéressant reste encore l’entretien que ce commandant Farouki a accordé aux deux journalistes. Là encore, les mots du chef taliban relèvent de la propagande pure et simple quand il déclare que les militaires français ont été tués à cause des présidents Bush et Sarkozy. « Nous n’en voulons pas aux Français. S’ils partent, alors tout ira bien. Tant que vous resterez chez nous, nous vous tuerons. Tous », a-t-il menacé. Voilà de quoi donner du grain à moudre aux opposants à la présence française en Afghanistan, qui ont donné de la voix au lendemain de l’embuscade d’Uzbeen.

Là où la propagande est manifeste, c’est quand le commandant Farouki déclare présente son combat comme étant une « guerre de libération » et prétend ainsi « défendre » l’Afghanistan, niant par la même occasion la présence de combattants étrangers (appartenant à al-Qaïda et venant du Pakistan) aux côtés des talibans. A aucun moment, il ne fait référence à la religion et à l’idéologie qui motivent son combat.

Or, l’insurrection menée par les talibans et leurs alliés n’a rien à voir avec une quelconque « guerre de libération ». L’Afghanistan dispose désormais d’institutions, avec un chef d’Etat, Hamid Karzaï, qui doit être bien gênant pour eux si l’on considère leur tentative récente de l’assassiner alors qu’il assistait à un défilé militaire à Kaboul. Un des objectifs affichés de la Force Internationale à la sécurité (ISAF) qui dépend de l’OTAN, est de faire en sorte que l’armée afghane puisse prendre en charge elle-même la sécurité du pays. Il s’agit également de permettre la reconstruction de l’Afghanistan. Or, sans retour à une paix durable, cette dernière est compromise.

Bien qu’il affirme que tous les combattants étaient des Afghans, Farouki se contredit en affirmant que les insurgés « ne sont pas seuls ni isolés » dans les montagnes et qu’ils ont par conséquent la capacité de frapper « les intérêts français partout dans le monde. »

Dans son exercice de propagande, le commandant Farouki livre cependant certains renseignements concernant l’embuscade d’Uzbeen. On apprend ainsi que rien n’était préparé et que les talibans avaient « juste été prévenus un peu avant l’attaque » de la présence d’une patrouille française dans le secteur. Farouki indique également que 140 insurgés y ont participé et que des caches d’armes étaient dissimulées « un peu partout », ce qui explique les munitions « abondantes » évoquées par les militaires français.

Par ailleurs, Farouki a soutenu qu’aucun soldat français tombé dans l’embuscade n’a été torturé, contrairement à ce que soutient la dernière édition du Canard Enchaîné. Selon le journal satirique, le fait que les corps de trois militaires français ont été retrouvés alignés prouverait que les talibans auraient fait des prisonniers avant de les exécuter. Le commandant Farouki confirme ainsi la version de l’Etat-major français, notamment celle présentée la semaine dernière par le général Puga.

A l’antenne d’Europe1, l’un des deux journalistes de Paris Match a indiqué que les insurgés avaient eu ces corps « dans leurs mains » pendant un moment, ce qui expliquerait qu’ils aient eu le temps de les dépouiller de leurs effets. Un explication a été avancée : les talibans auraient eu l’intention d’échanger les corps contre des prisonniers ou encore de les filmer à des fins de propagande.

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