La Russie n’a pas peur d’une nouvelle guerre froide

En signant les « décrets sur la reconnaissance par la Fédération de Russie de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’indépendance de l’Abkhazie », le 26 août, le président russe, Dmitri Medvedev, se doutait bien que cette décision allait être ressentie comme une provocation par les pays occidentaux, notamment ceux appartenant à l’OTAN.

Comme l’on pouvait s’y attendre, la décision russe a été favorablement accueillie par les dirigeants des deux républiques séparatistes géorgiennes. Le président Abkhaze, Sergueï Bagapch, a parlé de « jour historique » et s’est dit prêt à signer des accords militaires avec Moscou, tout comme son homologue sud-ossète, Edouard Kokoïty, qui a quant à lui estimé que l’intervention russe a évité un « génocide ».

Cependant, les réactions des capitales occidentales ont condamné la décision du Kremlin, qui a ravivé l’ancien clivage Est/Ouest, qui dominait les relations internationales avant la chute du Mur de Berlin.

« Nous n’avons peur de rien, y compris d’une guerre froide. Bien sûr nous ne la voulons pas » a déclaré Dmitri Medvedev à la chaîne de télévision Russia Today. « Si les Occidentaux veulent conserver de bonnes relations avec la Russie, ils comprendront les raisons de notre décision », a-t-il ajouté.

Afin justement de faciliter la compréhension des pays occidentaux, le président russe a expliqué les raisons qui ont poussé Moscou à reconnaître l’indépendance des deux régions séparatistes. « La Russie a en permanence fait preuve de calme et de patience. A plusieurs reprises nous avons appelé au retour à la table de négociations » a-t-il affirmé. Et de lancer une nouvelle pique à la Géorgie : « Notre pays a agi en médiateur et en force de maintien de la paix (…) Les dirigeants géorgiens ont choisi une autre voix (…) Ils ont méthodiquement préparé la guerre ». Quant au président Saakachvili, le chef du Kremlin l’accuse ni plus ni moins d’avoir « choisi le génocide pour atteindre des objectifs politiques. »

Dans un article publié par le Financial Times, le président russe s’appuie sur « les souhaits exprimés librement par les peuples d’Ossétie et d’Abkhazie et sur la base des principes de la charte des Nations unies » pour justifier la reconnaissance de l’indépendance des deux régions géorgiennes. En agissant de la sorte, Moscou rend ainsi la monnaie de leur pièce aux Occidentaux qui ont approuvé l’indépendance du Kosovo en février dernier et leur ressert les quasiment les mêmes arguments que l’OTAN avait donnés pour justifier les opérations militaires contre la Serbie au printemps 1999.

« En matière de relations internationales, on ne peut appliquer une règle et une différente aux autres » écrit encore M. Medvedev dans le quotidien britannique. « En ignorant les mises en garde de la Russie, les pays occidentaux ont reconnu la déclaration illégale du Kosovo. Nous avons pourtant constamment expliqué qu’il serait impossible par la suite de dire aux Abkhaziens et aux Ossétiens que ce qui était possible pour les Albanais du Kosovo ne l’était pas pour eux », a-t-il fait valoir. Par conséquent, le président Medvedev estime que la décision concernant les deux régions séparatistes est conforme au droit international et qu’elle était même devenue « inévitable » comme l’a souligné Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères.

Quoi qu’il en soit, les arguments développés par le Kremlin n’ont pas convaincu les dirigeants occidentaux, qui, dans cette affaire, se situent du côté de Tbilissi. Le président Saakachvili a ainsi accusé la Russie d’avoir le projet de modifier « les frontières de l’Europe par la force. » Tout en appelant à « une solution pacifique des conflits en Géorgie », a diplomatie française n’a pas dit autre chose. En effet, pour Paris, la Russie s’est placée, avec sa décision, « hors la loi internationale ». Quant au ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, il a fait part, sur les ondes d’Europe1, de ses soupçons d’éventuelles visées russes sur la « Crimée, l’Ukraine, la Moldavie ».

La décision russe a également été « condamnée fermement » par l’Union européenne, qui l’estime « contraire aux principes d’indépendance, de souveraineté et d’intégrité territoriale de la Géorgie » et a été jugée « d’inacceptable » par les Etats-Unis, mais aussi par le président Sarkozy qui a par ailleurs demandé, une fois plus, à la Russie de se retirer « sans délai » de Géorgie, « sur les lignes antérieures au déclenchement des hostilités. »

Pour la chancelière allemande, Anglea Merkel, le choix de Moscou « contredit le principe d’intégrité territoriale, un principe du droit international des peuples. » Le Royaume-Uni est sur la même longeur d’onde. Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Miliband a parlé de décision « injustifiable et inacceptable. » Son homologue italien, Franco Frattini, a fait part de son inquiètude d’un « balkanisation sur une base éthnique du Caucase » qui consituerait « un grave danger pour nous tous. »

L’OTAN a dénoncé les « actions de la Russie au cours des dernière semaines » qui « sèment le doute » sur son engagement « pour assurer la paix et la sécurité dans le Caucase. » Pour l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe », dont la présidence est actuellement assurée par le Finlance, la décision du président Medvedev constitue une « violation des principes de l’OSCE. »

Enfin, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est inquiété des conséquences « pour la sécurité et la stabilité dans le Caucase. »

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