La valse des généraux russes

En avril dernier, le ministre de la Défense russe, Anatoly Serdioukov, un civil nommé un an auparavant par Vladimir Poutine, préférait parler de « remise en ordre » de l’armée plutôt que de « réforme. »

Les problèmes de l’armée russe sont connus. Ses matériels, ses doctrines d’emploi et ses schémas tactiques et stratégiques n’ont que peu évolué depuis la fin du contexte géopolitique né de la guerre froide. La corruption est une pratique courante (il est possible, par exemple, d’acheter une « exemption » pour éviter de se soumettre aux obligations militaires), des révélations de cas de racket et de bizutages d’appelés ont suscité des scandales (près de 3.000 militaires sont morts, en 2006, par accidents, suicides et maltraitances), des conscrits ont même été forcés de signer un contrat d’engagement, le taux, justement, d’engagés volontaires qui « rempilent » n’est que de 15% environ (rapport officiel de 2006), les cas de désertions sont nombreux et enfin, le pourcentage d’officiers que compte l’armée russe est le double de celui que l’on peut constater dans les armées occidentales (30% contre 16%).

Afin d’avoir une armée plus compacte et plus mobile, une « remise en ordre », selon les termes du ministre Serdioukov, est nécessaire. Ainsi, une professionnalisation – encore partielle – de l’armée russe est en cours. Ce mouvement est d’ailleurs inévitable, même si son coût financier est important (par exemple, un sergent sous contrat coûte 40.000 roubles, un appelé, seulement 17.000), en raison du manque d’entraînement des conscrits, de la pression de l’opinion publique russe et enfin et surtout, de la crise démographique que connaît le pays.

Concrètement, les mesures adoptées visent à réduire les effectifs de l’armée de 1,134 millions d’hommes à 1 million dès 2013. Cet objectif avait été préalablement fixé à 2016. Pour le ministre Serdioukov, il s’agit d’accélerer les choses, « sachant qu’il faut augmenter considérablement les soldes ». Plus généralement, et au-delà des considérations d’effectifs, le but est de réorganiser les forces russes en s’inspirant des organisations des armées occidentales, qui ont trois composantes (Terre, Air, Mer).

Dans le cadre de cette réorganisation, des activités qui jusqu’à présent étaient dévolues aux militaires vont être confiées au secteur civil. Cette orientation n’est pas du goût de certains officiers supérieurs. C’est ainsi qu’en juin dernier, le chef d’état-major de l’armée russe, le général Iouri Balouevski, hostile aux mesures annoncées et en conflit avec son ministre de tutelle, a été remplacé par le général Nikolaï Makarov.

C’est dans ce contexte que le service de presse du ministère de la Défense russe a annoncé, lundi 7 juillet, que deux chefs d’état-major adjoints, les généraux Alexandre Rouchkine et Evgueni Karpov, venaient d’être à leur tour relevés de leurs fonctions.

Même si, pour le ministère, cette décision n’est pas liée au départ du général Balouevski (désormais devenu secrétaire ajoint du Conseil de sécurité russe), il n’en reste pas moins que les deux hommes, dont l’un dirigeait le département des Opérations et le second, celui des Communications, ont longtemps travaillé avec l’ancien chef d’état-major.

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