Carcassonne : Divergences sur l’enquête de commandement

Suite à la bavure de Carcassonne où 17 personnes avaient été blessées lors d’une démonstration d’assaut, le ministre de la Défense, Hervé Morin, a annoncé par un communiqué la suspension de cinq officiers du 3e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine (RPIMa).

Ainsi, le colonel Merveilleux du Vignaux, l’ancien chef de corps auquel a succédé le colonel Perrin le 28 juin dernier, le lieutenant-colonel Peyre, le commandant en second, l’officier responsable du bureau de la maintenance et de la logistique ont été suspendus, de même qu’un capitaine et un lieutenant des groupements de commandos parachutistes (GCP) du régiment.

Les cinq officiers suspendus de leurs fonctions continueront à percevoir leur solde. La sanction dont ils font l’objet est une mesure administrative conservatoire, c’est à dire qu’il faudra attendre une éventuelle condamnation pénale pour qu’ils soient sanctionnés et, le cas échéant, renvoyés à la vie civile. Les militaires dans cette situation seront fixés sur leur sort dans quatre mois, comme le prévoit le Code de la Défense (Partie 4, Livre Ier, Titre III, Chapitre 7, Article L4137-5) :

« La situation du militaire suspendu doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet. Si, à l’expiration de ce délai, aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire, l’intéressé est rétabli dans un emploi de son grade, sauf s’il est l’objet de poursuites pénales. »

Par ailleurs, le ministre a également décidé de dissoudre les deux GCP du 3e RPIMa, l’un d’entre eux étant impliqué dans le drame de Carcassonne. Ils devraient cependant être reconstitués à partir du 1er septembre sur « des bases renouvelées ». Selon Hervé Morin, invité dimanche du Grand Jury « RTL – Le Figaro – LCI, « l’enquête de commandement menée à Carcassonne démontre qu’au sein des Groupements commandos parachutistes, il y avait des dysfonctionnements sur les conditions de délivrance et de contrôle de munitions. »

Pour le reste du régiment, comme pour les unités inspectées lors de l’enquête de commandement, les règles sont respectées, « sous réserve des conclusions » des investigations actuellement menées, a fait valoir le ministre. « Nous continuons l’enquête et laissez-nous le temps de faire la synthèse de l’ensemble des inspections qui sont en cours pour vous donner les résultats » a-t-il affirmé.

Comme pour l’affaire Surcouf, le son de cloche est différent du côté de Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée – et donc un proche du président de la République – invité presque au même moment au « Grand rendez-vous » Europe1 – TV5 Monde – Le Parisien / Aujourd’hui en France. Visiblement, M. Guéant n’a pas attendu les résultats des inspections en cours pour affirmer que « l’enquête de commandement a montré que le relâchement qui s’était manifesté dans cette unité (ndlr : le 3e RPIMa) existait aussi dans d’autres unités. »

Il y a donc là une contradiction entre ce qu’a déclaré le ministre de la Défense, pour qui les manquements au règlement ont été pour l’instant constatés uniquement au sein des deux GCP du 3e RPIMa et les propos du secrétaire général de l’Elysée. Ce dernier a même enfoncé le clou : « les disciplines se sont relâchées à propos de l’utilisation des munitions, ce sont les responsables des armées qui le disent. » Lesquels? M. Guéant ne l’a pas précisé.

« Moi, j’écoute la radio (…) et ce que je remarque, c’est que vos confrères, après le drame de Carcassonne, ont tous rapporté des anecdotes sur le fait qu’il y avait des munitions qui traînaient un peu partout, les gens, après un tir, trouvaient normal de rentrer chez eux avec des munitions restantes et c’est en cela que le président de la République a estimé nécessaire et naturel d’accepter la démission du chef de l’armée de Terre » a-t-il encore ajouté. Le départ du général Cuche ne serait donc plus essentiellement motivé par le drame de Carcassonne mais aussi par le « relâchement » de la discipline au sujet des munitions dans les régiments de l’armée de Terre.

Au final, il faut bien admettre qu’il est difficile de savoir vraiment de quoi il en retourne. D’un côté, le ministre de la Défense qui affirme que les règles en matière de contrôle de munitions sont respectées dans l’ensemble des unités inspectées, hormis dans les deux GCP du 3e RPIMa. De l’autre, un secrétaire général de l’Elysée qui dit le contraire au sujet de la même enquête de commandement et qui généralise les manquements au réglement à l’ensemble des unités, en évoquant des anecdotes entendues ici ou là. Voilà une situation qui ne fera pas mentir le philosophe anglais Francis Bacon, selon qui « La vérité sort plus facilement de l’erreur que de la confusion. »

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