Des officiers critiquent fermement la réforme annoncée des armées

Suite à la publication du Livre blanc et à l’annonce des nouvelles orientations et du changement de format de la défense française par le chef de l’Etat le 17 juin dernier, le chef d’état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin a diffusé un message aux militaires.

(c) Jean-Michel Charlier & Victor Hubinon« Investi de la confiance du Président de la République », écrit-il, « je mettrai en oeuvre les réformes (…) sous l’autorité de notre ministre » avant d’ajouter qu’il le fera « sans aucun état d’âme, avec détermination, avec le souci constant de la valeur opérationnelle de nos unités, et, avant tout, de notre identité militaire qui la conditionne. Le général Georgelin attend des militaires, « en particulier de ceux qui sont investis de fonctions d’autorité, qu’ils agissent sous mes ordres dans le même sens. »

Or, cette attente du chef d’etat-major des armées a été contrariée par un groupe d’officiers de « haut rang », issus des trois armées. Même si ce n’est pas la première fois que des militaires osent prendre la plume pour critiquer la politique gouvernementale – un certain « colonel Spartacus » s’y était risqué dans les années 1980 – c’est néanmoins un fait assez rare pour être souligné.

Ainsi, dans une tribune publiée anonymement par le Figaro daté du 19 juin, ce groupe d’officiers supérieurs et généraux, appelé « Surcouf », a donc lancé une charge contre le Livre blanc sur la défense et les recommandations qu’il préconise. « Le modèle d’analyse présenté par le Livre blanc est à notre sens déficient et, davantage, marqué par un certain amateurisme », ont-ils écrit.

Pour autant, ces officiers ne remettent pas en cause le constat qui a été fait sur l’état de l’armée française et se montrent même très critiques sur les raisons qui l’ont conduit à cette situation. Ils reconnaissent même quelques « points positifs », comme le « principe du resserrement des implantations », « l’insistance mise sur la protection interne de la nation elle-même » ou encore « la revalorisation des fonctions de renseignement. »

Pour le reste, le groupe « Surcouf », qui releve au moins quatre incohérences dans le Livre blanc, ne ménage pas ses critiques. « Notre incapacité à sortir de la réduction homothétique, faute d’une véritable analyse que le Livre blanc ne fournit pas, conduit le modèle 2008 à n’être que la version dégradée du modèle 1996, lui même version amoindrie du modèle 1989 » estiment les signataires, qui s’en prennent à la « nouvelle orientation en faveur du satellitaire » et à la création d’un commandement interarmées dévolu à l’espace, en les qualifiant de « gadgets » au regard des « besoins réels et actuels des armées. »

Ces haut-gradés, qui regrettent la sous-représentation des militaires au sein de la commission Mallet, ne mâchent pas leurs mots et parlent même d’imposture. « Les avancées » présentées par le Livre blanc, comme par exemple l’investissement en faveur des satellites, sont prises par ces militaires pour des « lubies » car « elles ne sont pas sérieusement argumentées en terme d’arbitrage (alors qu’on voit les intérêts industriels qu’elles servent). » « Une réduction prévisible et sans imagination du format des armées, à peine compensée par d’hypothétiques innovations technologiques et organisationnelles : il y a comme une imposture à présenter ces résultats comme un progrès dans l’efficacité de l’instrument militaire », accusent-ils encore.

« Savoir sans pouvoir n’est jamais d’une grande utilité. Il faut combattre l’illusion que la connaissance peut remplacer l’action », affirmait récemment le général Georgelin. « Nous serons mieux renseignés, mais nous pourrons moins agir », estime pour sa part le groupe Surcouf, rejoignant ainsi les propos du chef d’état-majors des armées, tenus avant la publication du Livre blanc et de l’annonce des décisions présidentielles.

Selon les signataires, l’orientation prise risque de conduire à « un déclassement militaire (…) dans un monde bien plus dangereux qu’hier », la France risquant de jouer « dans la division de l’Italie ».

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