Le ministre de la Défense assigné en justice par des gendarmes

Il est inhabituel de voir des fonctionnaires assigner en justice leur ministre de tutelle. Et cela l’est encore plus quand il s’agit de gendarmes, surtout lorsque l’on sait que les militaires ont un statut particulier qui s’applique à leur profession et qui ne leur donne pas autant de droits qu’à un citoyen français lambda.

C’est justement un problème lié à ce statut qui est au centre de cette assignation en justice en référé du ministre de la Défense, Hervé Morin et du général Guy Parayre, le directeur de la Gendarmerie nationale, qui a été autorisée hier par le président du tribunal de grande instance de Paris, qui a par ailleurs fixé l’audience à jeudi prochain.

En avril 2007, le forum Gendarmes et Citoyens est ouvert sur Internet. En mars dernier, une association « loi 1901 » du même nom est créée. Elle vise, selon ses statuts, à « faciliter l’expression et l’information des gendarmes et des citoyens sur la situation et le fonctionnement des forces de sécurité et de défense », en conformité avec les « principes posés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ». Son activité se traduit alors par l’édition d’un forum en ligne et de publications sur différents support.

Le but des fondateurs de cette association est de « publier toutes études, analyses et réflexions utiles en vue de la transparence, l’efficacité, la qualité du service public de sécurité au bénéfice des citoyens et de la défense de la situation matérielle et morale des gendarmes. » Evidemment, étant donné que les militaires n’ont pas le droit de se syndiquer, l’allusion à des questions d’ordre social a sans doute alimenté les soupçons de la hiérarchie sur la finalité réelle de cette nouvelle association.

Cela étant, la réaction du directeur général de la Gendarmerie nationale a pris la forme d’un courrier, envoyé à huit gendarmes faisant partie du conseil d’administration de l’association, leur enjoignant d’en démissionner dans les plus brefs délais. En effet, pour le général Parayre, à partir du moment où il est question de « participer à la défense matérielle et morale des gendarmes, il s’agit d’un groupement professionnel à caractère syndical », dont l’adhésion est interdite par le statut des militaires.

Etant donné que l’objet de leur association est « d’offrir de nouvelles libertés d’expression » et de communiquer sur la vie de leur métier d’une manière « indépendante et apolitique », les huit gendarmes incriminés ont donc assigné leur directeur ainsi que le ministre de Défense pour atteinte illégale aux libertés fondamentales, en l’occurrence, celles de s’associer et de s’exprimer. En termes juridiques, il s’agit d’une « voie de fait ». Rappelons qu’il n’est pas interdit à un militaire d’adhérer à une association, pourvu qu’elle n’ait pas d’objet ou de visée politique.

Si le juge décide, jeudi prochain, de donner raison aux huit gendarmes contre leur hiérarchie, le droit d’expression des militaires remporterait une victoire non négligeable. Enfin, la décision de rattacher la gendarmerie au ministère de l’Intérieur à compter du 1er janvier 2009 tout en conservant son statut militaire risque de faire quelques vagues. Les policiers ont en effet le droit de se syndiquer et les différences de rémunérations entre les deux corps sont susceptibles d’attiser l’ardeur revendicatrice de certains.

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