Approximations présidentielles

On sent que Nicolas Sarkozy n’est pas à l’aise quand il s’agit d’aborder les questions de défense et le milieu militaire. L’actuel chef de l’Etat n’a pas connu l’épreuve du feu, comme son prédécesseur, Jacques Chirac, lieutenant en Algérie et qui fût un temps tenté, paraît-il, par la carrière des armes.

L’expérience militaire de Nicolas Sarkozy se limite à son service national, qu’il a effectué à la base aérienne 117, située dans le quartier Balard à Paris,  et qui ne passe pas – et ce n’est faire injure à personne – pour une unité « pêchue » comme pouvait l’être par exemple le 6e RPIMa qui était alors le seul régiment français susceptible de partir en opex avec des appelés du contingent.

Par ses précédentes fonctions politiques, il se dit que le président est beaucoup plus proche du milieu policier. Sans doute. Il n’en reste pas moins que le monde militaire porte des valeurs qui ne sont pas toujours en phase avec celles de l’actuel locataire de l’Elysée et d’une manière plus générale, avec le courant de pensée dont il est issu. Le blog « Secret Défense », tenu par le très pertinent Jean-Dominique Merchet, journaliste à Libération, a d’ailleurs mis le doigt dessus récemment en s’interrogeant sur l’existence d’un « antimilitarisme de droite ».

Sans aller jusqu’à taxer Nicolas Sarkozy d’antimilitarisme, il semble donc qu’il soit moins sensible à la culture de la communauté militaire qui est inspirée par des valeurs telles que la droiture, le courage, l’honneur, le désintéressement et le don de soi jusqu’au sacrifice suprême si il le faut.

Le choix controversé du jeune militant communiste Guy Môquet pour honorer la Résistance et servir d’exemple à la jeunesse française pourrait être une autre preuve du manque de considération du président pour la chose militaire : un Tom Morel ou un d’Estiennes d’Orves aurait été sans doute plus judicieux.

Que le président ne se sente pas proche du milieu militaire est une chose. En revanche, qu’il fasse des approximations au sujet des questions de défense et de sécurité en est une autre. Déjà, lors de la campagne électorale de 2007, il s’était fait piéger sur le nombre de sous-marins d’attaque (SNA) en service dans la Marine nationale, ayant sans doute confondu avec les sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE), essentiels à la dissuasion nucléaire. D’ailleurs, sa principale concurrente avait chuté également sur le même genre de question.

Sans doute plus gênant encore : interrogé par le journaliste de RMC Jean-Jacques Bourdin, Nicolas Sarkozy – alors ministre de l’Intérieur – avait répondu qu’il était impossible de savoir si le réseau terroriste Al Qaïda était sunnite ou chiite et avait parlé de nébuleuse. Or, ceux qui suivent les affaires du terrorisme international savent évidemment que le réseau de Ben Laden est d’obédience sunnite.

L’intervention du président à l’antenne de RTL, ce matin, a également été émaillée d’approximations. « Il n’y a plus de service militaire mais on a gardé le même nombre de bases », a-t-il ainsi déclaré (précisons que, dans son esprit,  le mot « base »  recouvre aussi les casernes). Or, il se trouve que la réforme des armées, qui a conduit à leur professionnalisation, a eu pour conséquence la dissolution d’au moins 38 régiments et la fermeture de 3 bases aériennes.

Ensuite, le chef de l’Etat a parlé d’une quinzaine de bases de l’armée de l’air « où il n’y a pas un avion depuis 20 ans » et a évoqué son incompréhension qu’il y en ait autant (37) alors qu’un Mirage 2000-5 peut traverser la France en 20 minutes.

Pour rappel, le Mirage 2000-5 est un chasseur dédié à la défense aérienne. Ce n’est pas la seule mission de l’armée de l’air qui doit entre autre assurer le transport, le bombardement (notamment avec ses Mirage 2000 D) ou encore la dissuasion nucléaire. On compte plusieurs types de bases : les opérationnelles, les non opérationnelles, les écoles de formation, les entrepôts et celles de défense.

On peut trouver normal que les bases non opérationnelles (numérotées de 200 à 299) n’aient pas pour vocation première d’accueillir des escadrons de chasse, de transport ou d’hélicoptères. Elles sont au nombre de 5 en métropole : Brétigny (BA 217, centre d’essais en vol), Romorantin (DA 273), Châteaudun (BA 279), Ambérieu en Bugey (BA 278), Bordeaux-Beauséjour (DA 277), Varennes sur Alliers (DA 277).

Parmi les autres bases non opérationnelles, on compte les stations radar dont on comprendra aisément qu’elles n’ont pas vocation à abriter des avions. Elles sont au nombre de quatre : le centre nerveux de la défense aérienne est situé à Lyon/Mont-Verdun (BA 942), ensuite, on trouve la BA 943 de Nice, la BA 901 de Drachenbronn et la BA 921 de Taverny.

Ensuite, il y a les bases « écoles ». Ecartons tout de suite l’Ecole des pupilles de l’Air (EPA 749 de Grenoble) et l’Ecole de l’enseignement technique de Saintes (BA 722). Il reste la très importante école de formation des sous-officiers de Rocherfort (BA-721), qui accueille également les marins de l’aéronautique navale, les écoles de pilotage de Cognac (BA 709 pour les élèves officiers du personnel navigant), de Bourges-Avord (BA 702, transport), de Tours (BA 705, chasse) et la prestigieuse Ecole de l’Air de Salon de Provence (BA 701) qui forme les officiers de l’armée de l’air.

Enfin, parmi les bases « où il n’y a pas un avion depuis 20 ans », on trouve la BA 117 de Paris pour la simple et bonne raison qu’elle abrite l’état-major de l’armée de l’air. Elle sera d’ailleurs le siège du futur « pentagone à la française ». Pour être complet, le site de la base de Toulouse-Francazal est en cours de reconversion étant donné qu’il a perdu récemment ses unités.

Alors, il est sans doute nécessaire de regrouper certaines implantations ayant la même vocation. Mais il est quelque peu approximatif d’avancer le nombre de 15 bases à fermer avec des arguments pour le moins excessifs.

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