Le Livre blanc sur la Défense de 1994 est toujours d’actualité

Le précédent Livre blanc sur la défense, publié en 1994, n’a jamais mis en avant, contrairement aux commentaires de certains, la nécessité pour l’armée française de se préparer à combattre les blindés de l’ancien bloc soviétique. Il est même d’une incroyable actualité et il serait illusoire de penser que les menaces que ses auteurs avaient cernées à l’époque aient complétement disparu.

Le document que la Commission Mallet est en train de rédiger recommande de mettre davantage de moyens sur le renseignement ainsi que sur la protection du territoire et de la population. Au chapitre des menaces à prendre en compte, la cybercriminalité, les pandémies et les conséquences du réchauffement climatiques font leur apparition.

Bien évidemment, ces nouveaux risques ne figuraient pas dans le Livre blanc de 1994. Mais l’on pouvait déjà y trouver ceux auxquels le monde d’aujourd’hui est confronté. Ainsi, les rédacteurs de l’époque avaient mis en avant, entre autres, les revendications identitaires dans le Caucase et les Balkans pouvant conduire à un conflit ouvert, l’avenir incertain de la Russie, les dangers de la prolifération d’armes de destruction massive, la menace terroriste d’origine nationaliste et religieuse et le trafic de drogue susceptible de financer des mouvements de guérillas.

Le document avait également prédit l’émergence de l’Asie avec notamment l’expression d’une inquiètude quant à la politique de puissance de la Chine et aussi une augmentation du niveau d’équipement militaire de « nombreuses puissances régionales ».

Or, ces menaces n’ont pas disparu et les recommandations du Livre blanc de 1994 pour y faire face n’ont pas perdu de leur pertinence. « Le premier objectif de notre politique de défense demeure d’être en mesure d’assurer seuls, si nécessaire, la défense ultime de nos intérêts vitaux contre toute menace quelle qu’en soit l’origine » affirmait le texte, qui par ailleurs, appelait à défendre les intérêts vitaux et stratégiques de la France en mettant l’accent sur le « maintien de la paix sur le continent européen et dans les zones qui le bordent à l’Est et au sud », « l’importance du Bassin méditerranéen et le Moyen-Orient » et « la sécurité des approvisionnements », notamment énergétiques.

En conséquence, les rédacteurs du Livre blanc sur la défense de 1994 avaient dégagé au moins trois priorités pour les armées françaises : la projection, la protection et le renseignement.

« L’objectif à terme est qu’à l’exception de celles dont la vocation prioritaire restera en toutes circonstances d’assurer la sécurité du territoire national et de ses approches, toutes les forces puissent intervenir à distance » y était-il recommandé.

Quant à la protection du territoire, les nécessités de disposer « de moyens de détection et d’alerte faces aux menaces balistiques » et de « développer des moyens de surveillance et de protection face aux menaces nucléaires, biologiques et chimiques » étaient déjà affirmées.

La Commission Mallet n’a pas fait preuve d’une grande originalité en proposant de consacrer plus de moyens pour le renseignement. Celle de 1994 soulignait déjà l’importance de cette fonction qui devait « permettre au pouvoir politique de disposer à temps des signaux d’alerte et des moyens de les interpréter. » C’est ainsi que le Livre blanc de 1994 préconisait le lancement du programme de satellite de renseignement optique Helios, ainsi que celui de satellites dédiés au renseignement d’origine électromagnétique (ROEM), la rénovation des moyens de guerre électronique et la modernisation et le développement des organismes de renseignement.

Alors, les risques décrits dès 1994 se sont affirmés au cours de ces dernières années et restent encore d’actualité. Comme le soulignait le quotidien La Tribune, le 19 février dernier, la Commission Mallet semble « obnubilée par les questions budgétaires », ce qui aurait pour conséquence « la mise au pain sec » de la défense française, comme si c’était aux menaces de s’adapter au budget de l’Etat et non l’inverse. Pour l’instant, ses principales recommandations connues sont d’ores et déjà en train d’être mises en place, sans que le Parlement ait eu à se prononcer.

Faire avaler la pilule d’une énième réforme des armées, tel semble être le principal intérêt de ce prochain Livre blanc, censé inspirer la doctrine stratégique française pour les prochaines années.

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