La grande lessive de l’armée française annoncée par le député Guy Tessier
Lors d’un entretien donné au journal Le Monde, Le général Vincent Desportes, le commandant du Centre de doctrine d’emploi des forces (CDEF) avait évoqué le risque « d’une politisation » de la communauté militaire dans le cas où elle recevrait négativement le modèle d’armée qui sera annoncé lors de la sortie du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Les propos du député UMP Guy Tessier, le président de la commission de la Défense à l’Assemblée nationale, ne rassureront certainement pas les militaires inquiets de l’évolution à venir de leur institution, notamment ceux de l’armée de Terre.
S’exprimant dans les colonnes du journal Ouest France, Guy Tessier est revenu sur l’esprit de la réforme des armées actuellement en cours. Comme le ministre de la Défense, Hervé Morin, il a rappelé l’objectif d’accorder davantage de moyens aux unités opérationnelles par rapport au soutien des forces. S’ajoute à cela la nécessité de renouveler les matériels pour équiper au mieux les forces de projection. La solution à cette équation est simple pour M. Tessier : « Ou on continue à faire semblant mais on ira très vite vers des déboires graves. Ou bien on prend des décisions drastiques et on peut se payer les équipements dont on a besoin et on peut revaloriser la condition militaire. »
Que des mesures soient prises pour rationaliser la gestion des armées n’est pas en soi une mauvaise chose. Comme d’ailleurs consacrer plus de moyens aux unités opérationnelles qu’à celles qui assurent leur soutien. Encore que, l’externalisation peut poser parfois plus de problème qu’elle n’en résoud. Mais là où le bât blesse, c’est qu’il est demandé aux armées de faire plus mais avec moins de moyens.
Si l’armée de Terre voit ses effectifs descendre en-dessous de la barre symbolique des 100.000 hommes – soit moins que ceux de la Gendarmerie – alors que dans le même temps, on lui demande d’assurer les mêmes missions qu’aujourd’hui c’est à dire de conserver ses capacités de projection et de pouvoir rester une « nation cadre » dans le cadre d’opérations menées au sein d’une coalition internationale, sans oublier sa vocation première qui est la défense du territoire national, il ne serait guère étonnant de voir des mouvements d’humeur au sein d’une institution qui n’a pas pour habitude de laisser transparaître ses états d’âme.
D’autant plus que si la fermeture de nombreuses unités est annoncée, les mesures d’économie vont également toucher les équipements si l’on en croit Guy Tessier. Ainsi, pour l’armée de Terre, « on va préserver l’opérationnel mais sur une maquette plus réduite ». Exit donc les états-majors de force (EMF) de Limoges et de Besançon étant donné que seulement deux suffiraient selon le parlementaire (on se demande bien pourquoi il en avait été initialement prévu 4 et non pas 2…). Les régions Terre, avec leurs états-majors et leurs unités de soutien sont appelées également à disparaître.
L’armée de l’air semblerait encore plus touchée par la rigueur que les autres : elle ne pourrait plus compter, à terme, que sur « une centaine d’appareils de combat, des Rafale polyvalents, sur une demi-douzaine de bases ». Quant aux marins, si ils peuvent se satisfaire de voir la première tranche de 8 frégates FREMM assurée, ils ne sont pas prêts de « toucher » leur second porte-avions destiné à assurer une permanence aéronavale à la mer. Mieux encore : Guy Tessier le voit comme le successeur du Charles de Gaulle et non comme son « petit frère ». Heureusement qu’il a été dit que la priorité allait aux forces de projection…
Il y a quelques semaines, le député UMP Pierre Lellouche, spécialiste des questions de défense, déclarait au micro de RTL qu’il valait mieux s’attaquer aux gabegies de l’Etat – 26 milliards d’euros consacrés à un dispositif de formation professionnelle inefficace par exemple – que de chercher à faire des économies de bouts de chandelles sur le dos des armées. Or, la défense, c’est comme les assurances. On n’aime pas la payer mais on est toujours content de la trouver quand on en a besoin.