Opération Thalathine
Pris en otage par des pirates somaliens, le 4 avril, les 30 membres de l’équipage du voilier de luxe « Le Ponant » ont donc été libérés vendredi dernier, après qu’un protocole d’accord entre la CMA-CGM – l’armateur du bateau – et les ravisseurs ait été conclu. Selon différentes sources, il semblerait qu’une rançon, de l’ordre de 2 à 2,5 millions de dollars, ait été versée.
Une fois la somme remise aux pirates et l’équipage du Ponant mis en sécurité à bord, dans un premier temps, de la frégate « Jean Bart », puis du porte-hélicoptère « Jeanne d’Arc », la France a demandé aux autorités somaliennes l’autorisation d’intervenir militairement contre les preneurs d’otage, ce qui a été accepté. L’opération, baptisée « Thalathine », qui signifie « trente » en somali, a pu alors être entreprise.
Dès que le navire de commandement « Var » est alerté de l’attaque du Ponant, l’amiral Gérard Valin, le commandant des forces françaises en océan Indien (ALINDIEN) transmet aussitôt l’information à la Task Force 150, qui est le volet maritime de l’opération antiterroriste Enduring Freedom, et qui se compose de plusieurs bâtiments de guerre de nationalités différentes. Un hélicoptère de la frégate canadienne Charlottetown prend immédiatement l’air pour effectuer une première reconnaissance du voilier détourné.
L’aviso français « Commandant Bouant » reçoit dans le même temps l’ordre de faire mouvement vers le Ponant. En quelques heures, il parcourt la centaine de miles qui le séparent du trois mats et se place dans son sillage. Le voilier est également surveillé par un avion de patrouille maritime « Atlantique 2 », habituellement basé sur la base française de Djibouti. A Paris, le gouvernement déclenche le plan « pirate mer. Une cellule de crise est vite opérationnelle et la priorité est donnée à la négociation avec les pirates.
Dans les jours qui suivent, le dispositif français se met en place. Le samedi suivant l’attaque, un Transall ayant décollé de Djibouti largue dix-huit commandos marine au large de l’île de Socotra, qui seront récupérés par la suite par le « Commandant Bouan ». Le dimanche, c’est au tour du patron des commandos marine, l’amiral Marin Gillier, d’être parachuté en mer à proximité du Var, suivi le lendemain par le colonel Denis Favier, le chef du GIGN, dont des hommes ont également été mobilisés.
Enfin, la frégate antiaérienne « Jean Bart » et le porte-hélicoptères « Jeanne d’Arc » font mouvement vers la zone où se situe le Ponant. Des commandos marine spécialisés dans l’assaut en mer et des hélicoptères se trouvent à bord des deux navires.
Pendant ce temps, le Ponant arrive au large de la localité de Garaad, située dans la région autonome autoproclamée du Puntland, en Somalie. Cette zone est devenue au fil du temps un repère de pirates. Alors que le bateau est au mouillage, les militaires français se rendent compte que les douze flibustiers s’adonnent aux boissons alcoolisées le soir venu. La question de profiter d’une baisse de leur vigilance pour préparer un assaut est un temps posée mais les reconnaissances effectuées par les nageurs de combat du Commando « Hubert » indiquent qu’une attaque n’est pas possible, en raison de la force des courants. Les ordres sont clairs : aucune intervention ne doit mettre en danger la vie de l’équipage en otage.
Cependant, les cinquante commados marine et les dix hommes du GIGN sont prêts à passer à l’action. Le vendredi, l’armateur du Ponant, conseillé par des gendarmes du GIGN et vraisemblablement des agents de la DGSE qui connaissent bien la région, se met d’accord avec les pirates sur le montant de la rançon. Quand cette dernière sera livré par deux membres du GIGN et un commando marine, l’opération Thalathine pourra alors commencer.
Dès que l’équipage est libéré, un Atlantique 2, alors en patrouille à une dizaine de kilométres de la zone d’intervention, surveille les mouvements des pirates. Une voiture 4×4 est vite repérée alors qu’elle quitte Garaad. Il s’agit du même véhicule qui a embarqué les malfrats qui venaient de recevoir la rançon, une heure auparavant. Quatre hélicoptères – 1 Gazelle, 2 Alouette et 1 Panther – ont déjà décollé, avec des commandos marine à leur bord.
A bord de la Gazelle, un tireur d’élite de la Marine réussit à placer une balle de 12,7 mm dans le moteur du 4×4 avec son fusil Mac Millan. Tout va ensuite très vite. Les commandos marine, débarqués au sol, tirent quelques salves de sommation pour intimider les six occupants de la voiture. Voyant qu’ils ne peuvent plus faire grand chose pour échapper aux Français, ils finissent par se rendre. Ils sont embarqués dans un hélicoptère pour être ensuite transférés sur le Jean Bart. Les six pirates devraient être jugés par la justice française.
Les commandos marine ont, par la même occasion, récupéré une partie de la rançon versée par l’armateur. Bien qu’un responsable somalien, Abdul Kadir Ahmed, ait affirmé que « trois cadavres (de pirates) avaient été ramassés », l’opération des militaires français n’a fait aucune victime, si ce n’est un blessé léger, selon l’Etat-major des armées à Paris. « Nous avons fait des tirs d’intimidation et de sommation pour les forcer à abandonner leur véhicule, et à se rendre. Il n’y a pas eu de tirs directement sur les pirates », a déclaré Le CEMA, le général Georgelin, lors d’un point de presse.
Suite à cette affaire et selon Jean-David Levitte, le conseiller diplomatique du président de la République, la France proposera prochainement au Conseil de sécurité de l’ONU une « action internationale » contre la piraterie maritime.