Moscou cesse l’application du traité FCE

Quand, le 19 novembre 1990, avait été signé, lors d’un sommet de l’OSCE à Paris, le traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) entre les 22 représentants des Etats de l’Otan et de l’ancien Pacte de Varsovie, le président François Mitterrand avait déclaré “Yalta s’est terminée ce jour même”.

L’objectif de ce traité visait à instaurer des quotas d’armements conventionnels dans une zone allant de l’Atlantique à l’Oural afin d’éviter que l’un des deux camps puisse lancer une offensive de grande envergure. En outre, il posait le principe qu’une force étrangère ne pouvait rester sur le territoire d’un Etat signataire sans son accord.

Entré en vigueur le 17 juillet 1992, le traité a été révisé le 19 novembre 1999 à Istanbul (Turquie) afin de prendre en compte les changements politiques intervenus en Europe depuis la chute de l’URSS et la disparition du Pacte de Varsovie. Ainsi, le texte ne s’applique désormais plus aux alliances militaires mais aux pays signataires, dont le nombre a d’ailleurs augmenté depuis l’accession à l’indépendance des anciennes républiques soviétiques.

Seulement, la Russie, signataire du traité, est confrontée au cours des années 90 au séparatisme Tchétchéne et à des tensions dans le Caucase. Les quotas qui lui sont imposés par le traité limitent ses capacités militaires à 1300 chars, 1680 pièces d’artillerie et 1380 véhicules de combat dans la région qui va de Saint-Petersbourg au Caucase. Un accord trouvé avec les Etats-Unis en mai 1997 permet alors aux Russes de relever leurs quotas d’armements dans la zone. De plus, les troupes russes présentes en Géorgie et en Arménie sont soumises aux quotas du FCE.

Mais ce qui gêne le plus Moscou est l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale (PECO), et par ailleurs, pour certains d’entre eux, anciens membres du Pacte de Varsovie, à l’Otan. La Russie s’est appuyée sur le traité pour tenter de bloquer leur venue dans l’Alliance atlantique et a demandé, notamment aux Etats baltes, qu’ils soient signataires du traité FCE, afin qu’ils ne puissent pas accueillir sur leur territoire des forces militaires “étrangères” de l’Otan.

De leurs côtés, les pays de l’Otan ont demandé, lors de la Conférence extraordinaire de Vienne de juin 2007, à la Russie de retirer ses troupes des deux provinces séparatistes de Géorgie (l’Abkahazie et l’Ossétie du Sud) et de Moldavie. Une exigence qui va à l’encontre des intérêts de Moscou qui souhaite au contraire disposer d’une plus grande liberté de mouvement sur ses flancs nord et sud pour ses opérations dans le Caucase et plus généralement une renégociation du traité FCE.

De plus, l’installation de bases américaines en Roumanie et en Bulgarie et le déploiement d’éléments du bouclier antimissile américain en Pologne et en République tchèque sont perçus comme autant de menaces par la Russie qui redoute d’être surveillée au plus près par les Etats-Unis et qui tient avant tout à la crédibilité de sa disuasion nucléaire.

Ces raisons ont donc conduit Moscou à cesser d’appliquer, le 11 décembre, le traité FCE. Le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, avait déjà signé un décret en ce sens le 14 juillet dernier. Le texte indiquait que la Russie ne comptait plus donner d’informations sur le mouvement de ses troupes et qu’elle n’autorisait plus les inspections de ses installations militaires.

Le ministère russe des Affaires étrangères explique cette décision par le fait que “le traité ne correspond plus depuis longtemps aux réalités contemporaines et aux intérêts de la Russie dans le domaine de la sécurité. Cependant, le ministère indique que Moscou est “prêt à poursuivre le dialogue” et invite les pays signataires du FCE à “faire preuve de réalisme politique et de la volonté de trouver des solutions mutuellement acceptables.”

Cette décision s’inscrit dans le durcissement des propos du locataire du Kremlin à l’égard des Occidentaux tenus au cours de ces derniers mois. Après la menace de pointer des missiles nucléaires vers l’Ouest et les incursions de Tupolev 95 “Bear” en mer du Nord et à proximité des côtes britanniques, l’on pourrait se demander si la logique d’affrontement entre l’Est et l’Ouest née de Yalta est bel est bien terminée. En tous les cas, il apparaît une nouvelle ligne de rupture en Europe par la volonté du Kremlin de restaurer les vestiges d’une grandeur passée.

Le potentiel militaire russe n’est pas au même niveau auquel il était lors de la période soviétique. La Russie n’a, pour l’instant, pas la marge de manoeuvre financière nécessaire pour redéployer ses moyens militaires face aux Occidentaux. Même si elles sont en constante et en forte progression, les dépenses militaires russes ne représentent qu’un vingtième du budget du Pentagone. Elles sont en outre à peu près équivalentes à celles du budget français de la défense, ce qui, avec un territoire aussi vaste et les opérations militaires en Tchétchénie, est somme toute peu pour mener une réelle politique de puissance.

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