La diplomatie allemande veut un mandat pour une force de maintien de la paix de l’ONU en Ukraine d’ici mars

Depuis avril 2014, au moins 10.000 personnes ont perdu la vie dans la Donbass (sud-est de l’Ukraine), théâtre de combats opposants des séparatistes pro-russes aux forces gouvernementales ukrainiennes. Les accord de Minsk 2, négociés par l’Allemagne, la France, l’Ukraine et la Russie, devaient mettre un terme aux violences. Seulement, le cessez-le-feu a été maintes fois violé, en dépit de trêves régulièrement annoncées par les deux parties. Au milieu, les 700 observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ne peuvent que constater ces violations.

Encore récemment, et face à une nouvelle hausse « inacceptable des violations du cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine », le président Macron et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont appelé les belligérants à « prendre leurs responsabilités » et à « mettre en œuvre le plus tôt possible » les accords de Minsk. Les deux dirigeants ont en outre exprimé « leur soutien au plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine » et souligné « qu’il n’y a pas d’autre solution qu’un règlement exclusivement pacifique du conflit. »

Cela étant, le mois de décembre a été marqué par plusieurs événements. L’Union européenne a reconduit, pour six mois supplémentaires, ses sanctions prises contre la Russie, accusée de soutenir les séparatistes du Donbass. Séparatistes, qui par ailleurs, connaissent des dissensions internes, le chef de la république populaire de Lougansk, Igor Plotnitski, ayant été « renversé » en novembre par son chef des services secrets, Leonid Pasetchnik, et son ancien ministre de l’Intérieur, Igor Kornet. Le tout, avec l’appui de la république populaire de Donetsk.

Autre fait marquant : l’échange de prisonniers entre Kiev et les séparatistes. À l’issue de négociations compliquées, 73 soldats ukrainiens jusqu’alors détenus par les républiques populaires de Lougansk et de Donetsk ont pu retrouver leur foyer tandis que 233 rebelles détenus étaient libérés par les autorités ukrainiennes.

Mais, peu avant, les États-Unis ont annoncé leur décision de fournir « des capacités défensives renforcées » à l’Ukraine afin de lui permettre de « bâtir sa défense sur le long terme », de « se prémunir de toute agression à venir » et de « défendre sa souveraineté » ainsi que « son intégrité territoriale. »

« L’aide américaine est entièrement défensive et comme nous l’avons toujours dit, l’Ukraine est un pays souverain » qui a « le droit de se défendre », a fait valoir Heather Nauert, une porte-parole de la diplomatie américaine. Il serait ainsi question de livrer des missiles anti-chars à Kiev.

Cette décision, défendue depuis longtemps par le Pentagone et le département d’État mais jusqu’alors systématiquement écartée par le président Obama, a donné lieu à un regain de tension entre Washington et Moscou, la diplomatie russe ayant accusé l’administration américaine de favoriser un « nouveau bain de sang ».

Lors d’un déplacement à Kiev, le 3 janvier, le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, s’est montré « sceptique » au sujet de cette livraison de missiles anti-chars promis par Washington. « Ce qui ne manque pas dans cette région, ce sont justement des armes. Je ne pense pas que cela puisse aider à régler le conflit. Mais c’est le point de vue d’un pays qui est à distance et pas directement concerné par le conflit », a-t-il en effet déclaré.

« Elles [ces armes] ne seront pas utilisées à titre offensif », lui a répondu Pavlo Klimkine, le ministre ukrainien des Affaires étrangères. « On ne peut donc pas avancer l’argument selon lequel elles risquent d’augmenter la température du conflit », a-t-il ajouté.

Justement, pour éviter que cette « température » augmente, il est question de déployer une force maintien de la paix des Nations unies dans l’est de l’Ukraine. Si tout le monde est d’accord sur son principe, ses modalités restent à défenir. Et c’est ce qui est le plus difficile.

Ainsi, Moscou propose que le mandat de cette force des Nations unies soit limité à l’accompagnement des observateurs de l’OSCE sur la ligne de front tandis que Kiev voudrait un déploiement de casques bleus le long de sa frontière avec la Russie afin de prévenir d’éventuels envois de renforts et d’armes aux séparatistes.

« Nous avons des différends significatifs sur le mandat que la force de maintien de la paix recevra […] et c’est la raison pour laquelle nous continuons nos discussions avec les Russes », avait ainsi affirmé Rex Tillerson, le chef de la diplomatie américaine, lors d’une conférence de presse donnée le 6 décembre au siège de l’Otan, à Bruxelles. « Nous espérons que nous pourrons surmonter ces différences, nous pensons que c’est vital pour arrêter les violences », avait-il ajouté, après avoir dénoncé « l’agression russe » en Ukraine, qualifiée de « plus grande menace contre la sécurité européenne. »

Seulement, le temps tourne… et il n’y a pas le moindre accord en vue. Aussi, la diplomatie allemande souhaiterait que les choses aillent plus vite et aboutir à une décision d’ici le printemps prochain.

« Je voudrais qu’une trêve solide ne dépende pas des élections en Russie et j’espère que nous adopterons un mandat réaliste (…) pour la mission de l’ONU avant les élections russes », a déclaré M. Gabriel. « Cela doit être une mission armée forte qui sera déployée dans toute la zone du conflit et non seulement sur la ligne » de front, a précisé le ministre allemand.

À Kiev, l’on redoute que la prochaine élection présidentielle russe soit l’occasion de nouvelles provocations militaires dans le Donbass. Du moins est-ce la crainte exprimée par Pavlo Klimkine.

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