L’Ukraine a aussi demandé à la France de lui livrer des chars Leclerc

Si elle a reçu un nombre important de chars de facture soviétique, dont notamment des T-72 modernisés, prélevés dans les inventaires de certains pays de l’Otan qui furent naguère membres du Pacte de Varsovie, l’Ukraine cherche à doter son armée de modèles de conception occidentale. Ainsi, à plusieurs reprises, Kiev a exprimé son souhait d’obtenir des Abrams américains ainsi que des Leopard 2 allemands. Sans succès jusqu’à présent.

En effet, les États-Unis sont réticents à donner suite favorable à une telle requête… Et leur priorité est de renforcer certaines capacités des forces ukrainiennes, en particulier dans le domaine de l’artillerie [avec des lance-roquettes M142 HIMARS et des obusiers M777] ou encore dans celui de la défense aérienne. Cependant, en novembre, une porte-parole du Pentagone a assure que Washington continuait de « consulter ses alliés et partenaires » pour voir s’il était « possible de fournir [à l’Ukraine] des plate-formes blindés occidentales ».

Et, selon des informations publiées la semaine passée par le Frankfurter Allgemeine Zeitung, les États-Unis, via Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale du président Biden, auraient « encouragé le gouvernement allemand à livrer » des Leopard 2 à l’Ukraine.

« Plusieurs sources ont rapporté au FAZ que Sullivan avait dit cela au conseiller en politique étrangère du chancelier [Olaf Scholz], Jens Plötner, au téléphone en octobre », a ainsi avancé le quotidien. Ce que Adrienne Watson, la porte-parole de M. Sullivan n’a ni confirmé, ni démenti formellement. « Nous laissons les Allemands décider et ne leur adressons aucune demande », a-t-elle dit.

Cependant, la présidente de la commission de la Défense au Bundestag, la libérale Marie-Agnès Zimmermann, a assuré que les États-Unis « soutienne le transfert de chars allemands Leopard 2 vers l’Ukraine ». Et d’ajouter, via Twitter, le 7 décembre : « Cela m’a été confirmé lors de ma visite à Washington dans toutes mes discussions avec le Département d’État, le Congrès et le Sénat. Nos partenaires attendent de l’Allemagne qu’elle assume ses responsabilités. Nous ne devons pas abandonner l’Ukraine. Elle a besoin de chars ».

Cela étant, au cours de l’été, l’Espagne a envisagé fournir à l’Ukraine des Leopard 2 mis sous cocon par l’Ejército de Tierra en 2012. Mais Madrid a finalement renoncé, affirmant que les chars se trouvaient dans un état « déplorable »… Sans doute qu’il y avait d’autres raisons, un tel transfert aurait exigé l’accord préalable de Berlin.

Quoi qu’il en soit, la livraison de Leopard 2 à l’Ukraine fait débat outre-Rhin. La ministre allemande des Affaires étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock, y est favorable, disant même souhaiter une « décision rapide ».

Seulement, et malgré la pression mise par les partenaires du parti social-démocrate [SPD], dont il est issu, le chancelier Scholz refuse de livrer des Leopard 2 à Kiev. Pour le moment du moins… Ainsi, selon les explications qu’il a données à la presse, il rejette l’idée selon laquelle l’Allemagne serait le seul pays occidental à s’engager dans une telle voie.

En outre, et au-delà des considérations pratiques [formation des équipages ukrainiens, logistique, maintenance, etc], M. Scholz considère qu’un tel mouvement pourrait conduire à une escalade avec la Russie. Et, enfin, la Bundeswehr y est réticente… car elle n’en disposera que de 328 chars Leopard 2 en 2023, dont 104 portés au standard Leopard 2A7.

Si l’Ukraine ne peut pas obtenir d’Abrams ou de Leopard 2, aurait-elle plus de chance auprès de la France pour des chars Leclerc? En tout cas, elle en a fait la demande.

C’est en effet ce qu’a confié Étienne de Poncins, l’ambassadeur de France en Ukraine, lors d’une audition qui s’est tenue le 9 novembre à l’Assemblée nationale. Étant donné le diplomate s’est exprimé à huis clos, le compte-rendu de son intervention, qui vient juste d’être publié, a été relu et expurgé de tout détail jugé trop sensible. En clair, les informations que le document contient ont donc vocation à être mises sur la place publique.

« Les Ukrainiens veulent autant d’équipements que possible. Leurs demandes concernaient d’abord l’artillerie. Ensuite, nous leur avons fourni des véhicules de l’avant blindé. Après, ce fut du matériel de combat antiaérien en quantité, notamment des missiles Crotale », a d’abord rappelé M. de Poncins, avant d’affirmer qu’une « demande a été faite concernant des chars Leclerc » et « l’examen de la demande est en cours ». Et de préciser : « Pour de telles questions, le dialogue a lieu directement entre les deux présidents », savoir Emmanuel Macron et Volodymyr Zelinski.

Ou en est l’examen de cette demande ukrainienne? Quelques heures avant la publication du compte-rendu de M. de Poncins, à l’antenne de LCI, le Premier ministre ukrainien, Denys Shmyhal avait évoqué le char Leclerc, poussé à le faire, il est vrai, par le journaliste Darius Rochebin qui l’interrogeait.

« Nous demandons des chars conforme au standard de l’Otan : Abrams, Leopard 2 et d’autres », a dit M. Shmyhal. Interrogé pour savoir si Kiev souhaite des Leclerc, celui-ci a répondu : « Sans aucun doute. Nous vous serions très reconnaissants ».

En septembre, dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde, Pierre Haroche, spécialiste en sécurité européenne, avait suggéré de livrer 50 chars Leclerc aux forces ukrainiennes… alors que l’armée de Terre n’est pas la mieux loti en matière, avec seulement 200 exemplaires devant être portés au standard XLR en 2028, sur les 406 qu’elle a reçus. Reste à voir dans quel état se trouve ceux qui ont été stockées à la suite des restructurations menées ces dernières années, sachant qu’ils ont été « cannibalisés » pour récupérer certaines de leurs pièces.

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