La Grèce dénonce la menace du président turc de frapper Athènes avec le missile balistique Tayfun

Probablement que les autorités turques auraient souhaité garder le secret plus longtemps… Toujours est-il que, en octobre, des images montrant l’essai – réussi – du missile balistique Tayfun, supposé avoir une portée de 560 km, ont été diffusées par l’agence de presse DHA [Demirören News Agency], puis reprises par d’autres médias.

Officiellement, le gouvernement turc a dénoncé une « fuite », l’existence de ce missile, développé par la société publique d’armement Roketsan, devant être dévoilée plus tard. Cela étant, il s’en est a priori bien accommodé. « Quoi qu’il en soit, si on voit le bon côté des choses, c’est une bonne publicité pour le Tayfun », a d’ailleurs confié un responsable turc au site Middle East Eye.

Quant à l’essai de cet engin, tiré par un tracteur-érecteur-lanceur [TEL], il aurait eu lieu précisément le 18 octobre, depuis la localité de Rize, située au bord de la mer Noire.

À noter qu’il ne s’agit pas du premier missile mis au point par la Turquie, Roketsan ayant conçu le Bora et le Yıldırım [d’une portée allant de 150 à 900 km selon les versions] grâce à des transferts de technologie acceptés par la… Chine.

En tout cas, l’existence du Tayfun étant désormais connue, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, l’a évoquée pour s’en prendre à nouveau à la Grèce, à l’occasion d’une réunion publique tenue dans la province de Samsun [nord].

« Nous avons maintenant commencé à produire nos propres missiles. Cela effraie les Grecs, bien sûr. Quand vous dites ‘Tayfun’, les Grecs ont peur. Ils se disent qu’il pourrait frapper Athènes », a déclaré M. Erdogan, le 11 décembre. « Et cela pourrait arriver si vous ne gardez pas votre calme », a-t-il ajouté en s’adressant aux dirigeants grecs. « Si vous essayez d’envoyer sur les îles [contestées de mer Égée, ndlr] les armes que vous avez reçues des États-Unis », alors « dans ce cas, un pays comme la Turquie ne va pas se contenter de ramasser des poires : il va faire quelque chose ».

Pour rappel, les contentieux entre la Turquie et la Grèce, tous les deux membres de l’Otan depuis 1952, sont nombreux. Et ils concernent notamment l’exploitation du gaz naturel en Méditerranée orientale, la question chypriote… et les différents territoriaux en mer Égée, lesquels donnent régulièrement lieu à des incidents.

« Le moment venu, nous ferons le nécessaire. Nous pouvons arriver subitement la nuit. Nous n’avons qu’un mot pour la Grèce : n’oublie pas Izmir! », a ainsi lancé M. Erdogan, en septembre denrier, en faisant allusion au retrait grec de la ville de Smyrne [Izmir] lors de la seconde guerre gréco-turque [1919-1922].

Le chef de la diplomatie grecque, Nikos Dendias, a réagi à la déclaration de M. Erdogan au sujet du missile Tayfun en marge d’un conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, le 12 décembre.

« La menace d’une attaque de missile contre la Grèce proférée par un allié de l’Otan est à la fois inacceptable et tout à fait condamnable », a dit M. Dendias. « Les attitudes de style nord-coréen ne peuvent et ne doivent pas être tolérées par l’Alliance », a-t-il ajouté.

Pour le moment, le secrétaire général de l’Otan n’a fait aucun commentaire… Comme d’ailleurs l’UE, alors que l’un de ses membres est directement menacé. En outre, aux États-Unis, l’horizon s’est éclairci pour un éventuel achat de F-16 Viper par la Turquie. En juillet, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement du Pentagone [NDAA – National Defense Authorization Act], la Chambre des représentants y avait mis des conditions qui auraient difficiles à satisfaire… Or, le texte final, qui a fait l’objet d’un accord avec le Sénat, n’en fait plus mention…

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