Selon le Pentagone, la Chine pourrait tripler la taille de son arsenal nucléaire d’ici 2035

D’après l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm [SIPRI], les États-Unis et la Russie possèdent à eux-seuls 90% des 12’705 armes nucléaires recensées dans le monde. Et encore, la taille de leurs arsenaux respectifs est limitée par l’accord de désarmement « New Start » [Strategic Arms Reduction Treaty], l’un des derniers encore en cours. Mais pour combien de temps?

En août, en raison des sanctions qui lui ont été infligées pour avoir attaqué l’Ukraine, la Russie a annoncé qu’elle allait suspendre « temporairement » les inspections de ses bases nucléaires, pourtant prévues par ce texte, qui limite les arsenaux des deux signataires à 1550 têtes nucléaires déployées et à 700 lanceurs stratégiques. En outre, la question est de savoir si le New Start aura une suite se pose.

En effet, déjà prolongé jusqu’en 2026 grâce à une clause prévue par son article XIV, ce texte doit en principe être remplacé par un nouveau traité liant les États-Unis et la Russie. Mais encore faut-il que les diplomates américains et russes en discutent… Ce qui est plutôt mal parti, la réunion de la commission consultative bilatérale qui devait se tenir au Caire [Égypte] début décembre ayant été annulée par Moscou, qui a dénoncé « le niveau plus élevé de la toxicité et de l’hostilité de Washington sur tous les axes ».

Mais si le New START a été prolongé sans avoir été modifié, c’est en grande partie parce que l’administration Trump voulait l’étendre à la Chine, dont l’arsenal nucléaire ne cesse de prendre de l’ampleur. Une perspective que Pékin a toujours refusée, en faisant valoir la taille modeste de ses forces stratégiques, par rapport à celles des États-Unis.

Cependant, depuis quelques années, il apparaît que la Chine cherche à combler cet écart. En 2021, le SIPRI évalua l’arsenal nucléaire chinois à 320 ogives, soit 20% de plus en seulement deux ans.

Dans le même temps, l’imagerie satellitaire permit de découvrir que l’Armée populaire de libération [APL] était en train de construire deux bases susceptibles d’abriter, au total, plus d’une centaine de silos pour des missiles sol-sol balistiques DF-41 et DG-31AG. Et le tout, en poursuivant la modernisation des composantes océanique et aéroportée [avec le bombardier H6N, ndlr] de ses forces stratégiques.

Ainsi, récemment, l’amiral Sam Paparo, commandant de la flotte américaine du Pacifique, a affirmé que la marine chinoise venait d’équiper ses six sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de type 094 [ou classe Jin] avec les missiles balistiques mer-sol de 3e génération JL-3. Et cela dans l’attente du SNLE de type 096 qui, en cours de développement, pourrait emporter jusqu’à 24 missiles.

Quoi qu’il en soit, en 2021, dans son évaluation annuelle des capacités militaires chinoises, le Pentagone avait estimé que la Chine disposerait d’au moins un millier de têtes nucléaires d’ici 2030″. Dans sa dernière étude sur les arsenaux stratégiques dans le monde, le SIPRI a confirmé cette évolution, sans se risquer à donner des chiffres. « La Chine est en pleine expansion substantielle de son arsenal nucléaire », a-t-il avancé.

Cela étant, le Pentagone a revu ses estimations à la hausse. En effet, dans un nouveau rapport qu’il vient de remettre au Congrès [.pdf], il affirme que la Chine se donne les moyens pour non seulement plus que tripler son arsenal nucléaire d’ici 2035 mais aussi pour le moderniser.

Le département de la Défense « estime que le stock [chinois] de têtes nucléaires opérationnelles a dépassé 400 » et « si la Chine continue d’accroître son arsenal nucléaire à ce rythme, elle disposera, selon toute probabilité, d’environ 1’500 ogives » d’ici 2035, avance en effet ce rapport. En outre, celui-ci affirme que Pékin a testé 135 missiles à capacité nucléaire en 2021, soit « plus que le reste du monde » si l’on ne tient pas compte de ceux tirés lors de conflits. Par ailleurs, ce développement des forces stratégiques chinoises pourrait avoir une influence sur l’Inde, qui serait susceptible de revoir à la hausse ses ambitions en la matière.

Reste que la finalité de l’effort de Pékin interroge, sachant que, pour le moment, la doctrine nucléaire chinoise repose sur trois concepts : la dissuasion limitée [ou stricte suffisance], la défense effective et la contre-attaque contre les sites stratégiques de l’ennemi. Faut-il en déduire que la Chine a l’intention de s’en détourner?

Une partie de la réponse a sans doute été donnée par le Global Times, le quotidien proche du Parti communiste chinois [PCC]. « Le nombre d’ogives nucléaires » de l’APL « doit atteindre la quantité qui fait frissonner les élites américaines si elles envisagent de s’engager dans une confrontation militaire avec la Chine », avait ainsi écrit l’un des éditorialistes, en mai 2021.

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