Les frappes turques dans le nord de la Syrie mettent les forces américaines en danger, prévient le Pentagone

Bien que le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK] et le Parti de l’union démocratique syrien [PYD], considéré comme la branche du premier, ont démenti toute responsabilité, il ne fait aucun doute pour les autorités turques que ces deux organisations sont à l’origine de l’attentat commis à Istanbul le 13 novembre dernier [6 tués et 81 blessés]. Et cela après avoir mené rapidement l’enquête… Alors que les circonstances de cet acte terroriste demeurent troubles, le frère d’ Ahlam Al Bashir, la principale suspecte, serait un cadre de l’Armée nationale syrienne, soutenue par Ankara. En outre, elle serait elle-même affiliée à la brigade Sultan Mourad, un groupe jihadiste pro-turc…

Quoi qu’il en soit, une semaine plus tard, la Turquie a lancé l’opération aérienne « Griffe Épée », pour frapper les positions tenues par les mouvements kurdes dans le nord de la Syrie et en Irak. À noter que, quasiment au même moment, l’Iran a également bombardé des opposants kurdes iraniens réfugiés sur le territoire irakien.

Par la suite, et comme il l’avait déjà fait en octobre 2021 et en mai 2022, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a évoqué une nouvelle opération terrestre dans le nord de la Syrie, où sont également présents, aux côtés des Forces démocratiques syriennes [FDS], et donc des milices kurdes syriennes [YPG], des forces américaines relevant de l’opération anti-jihadiste « Inherent Resolve ». D’où les appels à la retenue lancé par Washington à Ankara… Mais aussi par Moscou, qui a également des troupes déployées dans le pays.

« Nous appelons à la désescalade en Syrie pour protéger les civils et soutenir l’objectif commun de vaincre l’État islamique » et « nous continuons à nous opposer à toute action militaire non coordonnée en Irak qui viole la souveraineté [du pays] », a en effet déclaré Ned Price, le porte-parole de la diplomatie américaine, le 22 novembre. À Moscou, le Kremlin a dit « comprendre les préoccupations de la Turquie relatives à sa sécurité », tout en appelant en même « toutes les parties à se garder de toute initiative qui pourrait mener à une grave déstabilisation de la situation globale ».

Seulement, après avoir visé 89 positions kurdes dans le nord de l’Irak et de la Syrie dans la journée du 20 novembre, la force aériennes turque a poursuivi ses raids. Et l’un d’entre-eux s’est intéressé à une base conjointe des forces kurdes et de la coalition anti-jihadiste, située un vingtaine de kilomètres de la localité de Hassaké.

Dans un premier temps, et bien que deux combattants kurdes ont été tués, l’US CENTCOM, le commandement américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, a assuré que ses troupes n’avaient pas été mises en danger… Avant de se raviser quelques heures plus tard, après avoir reçu des « informations supplémentaires ».

Au lendemain de raid, effectué par un drone, un porte-parole du Pentagone, le général Pat Ryder, a affirmé que les « récentes frappes aériennes en Syrie ont directement menacé la sécurité des personnels américains qui travaillent en Syrie avec leurs partenaires locaux pour vaincre l’EI et assurer la détention de plus de 10’000 détenus de l’EI ». Pour rappel, les États-Unis et la Turquie sont alliés au sein de l’Otan…

Plus généralement, le Pentagone estime que les actions turques dans le nord de la Syrie « menacent la sécurité des militaires américains déployés dans la région » et que « l’escalade » dans la région « met en danger des années d’efforts dans la lutte contre les combattants du groupe État islamique ».

Reste que, ces derniers jours, la Turquie a durci le ton à l’égard des États-Unis. Ainsi, le 14 novembre, le ministre turc de l’Intérieur Süleyman Soylu a dit refuser les condoléances adressées par Washington après l’attentat d’Istanbul.

« Nous n’acceptons pas, nous rejetons, les condoléances de l’ambassade des États-Unis. Notre alliance avec un État qui entretient Kobané et des poches de terreur […] doit être débattue. […] Le responsable est celui qui fournit des renseignements internes au PKK. Il n’est pas nécessaire de discuter les pions », a en effet déclaré M. Soylu.

Le 22 novembre, le président Erdogan a fait le même genre de sous-entendus. « Nous avons survolé les terroristes pendant quelques jours avec notre aviation et nos drones. Si Dieu veut, nous allons les éliminer bientôt avec nos soldats, nos canons et nos chars », a-t-il dit. « Nous avons répondu à cette attaque scélérate [du 13/11] qui a coûté la vie à six innocents, dont des enfants, en rasant les organisations terroristes en Irak et dans le nord de la Syrie », a-t-il insisté. Et d’ajouter : « On sait qui arme, qui encourage les terroristes ».

À noter que, le lendemain, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a remis le dossier des systèmes de défense russes S-400 sur le tapis… Dossier qui a valu à la Turquie des sanctions américaines ainsi que son expulsion du programme F-35.

« La Turquie n’hésitera pas à utiliser son système de défense aérienne S-400 fabriqué en Russie pour abattre des cibles hostiles », a assuré M. Hakar, devant la commission de la planification et du budget du Parlement turc.

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