La France a finalement livré deux systèmes CROTALE NG et deux Lance-roquettes unitaires à l’Ukraine

Ayant repris la ville de Kherson après le retrait russe vers la rive sud du fleuve Dniepr, les forces ukrainiennes peuvent-elles envisager de continuer leur progression jusqu’à la Crimée, annexée par la Russie en mars 2014? En tout cas, et même si la Maison Blanche assure qu’il revient au seul président ukrainien, Volodymyr Zelenski, de décider d’ouvrir des discussions avec Moscou pour mettre un terme à la guerre, les États-Unis n’y sont a priori pas favorables.

« La probabilité d’une victoire militaire ukrainienne, consistant à chasser les Russes de toute l’Ukraine, y compris de la […] Crimée, la probabilité que cela se produise bientôt n’est pas élevée, militairement parlant », a en effet déclaré le général Mark Milley, le chef d’état-major interarmées américain. « Il peut y avoir une solution politique où, politiquement, les Russes se retirent, c’est possible », a-t-il ajouté.

Une semaine plus tôt, le général Milley avait affirmé que 100’000 soldats ukrainiens avaient été mis hors de combat [tués, blessés et prisonniers] depuis le début de la guerre, soit des pertes presque équivalentes à celle subies par les forces russes. « Ces bilans pourraient encore grimper si l’Ukraine s’obstinait à se battre pour tenter de récupérer les frontières d’avant 2014 », avait-il estimé, comparant la situation à la Première Guerre Mondiale. Et d’insister : « Donc quand il y a une opportunité de négocier, quand la paix peut être atteinte, saisissez-la « .

Reste que toute initiative des forces ukrainiennes dépendra du soutien militaire fourni par les partenaires occidentaux de Kiev. Et les États-Unis ayant apporté l’aide la plus importante à ce jour, la suite pourrait en partie dépendre d’eux…

Quoi qu’il en soit, dans un nouvel entretien accordé au Journal du Dimanche, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a fait valoir qu’il revient aux « Ukrainiens de dire ce qui est acceptable, ou non, pour eux ». Et, a-t-il continué, « ne pas respecter cela reviendrait à valider la stratégie russe du ‘fait accompli’ depuis l’annexion de la Crimée en 2014 ».

En tout cas, a assuré le ministre, Paris maintiendra son soutien militaire à Kiev. Ces dernières semaines, il était question de prélever sur la dotation des forces françaises des systèmes de défense sol-air CROTALE NG et des Lance-roquettes unitaires [LRU] pour les envoyer en Ukraine… Dans les colonnes du JDD, M. Lecornu a donné des précisions sur ces livraisons.

Ainsi, deux batteries CROTALE NG sur les douze que possédait jusq’alors l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] ont été cédées aux forces ukrainiennes. « Nous livrons également deux lance-roquettes multiples [LRU] pour la frappe terrestre en profondeur », a ajouté le ministre. Pour rappel, seulement treize exemplaires étaient alors en service au sein de l’armée de Terre, plus précisément au 1er Régiment d’Artillerie [RA].

« Nous avons fait voter au Parlement un Fonds de soutien [de 200 millions d’euros, soit une dotation deux fois plus élevée que prévu, ndlr] qui permet à l’Ukraine d’avoir une ligne budgétaire ouverte et dont ils peuvent se servir pour commander des équipements utiles auprès de nos entreprises françaises – comme des véhicules Bastion ou des ponts flottants – ou assurer la maintenance d’équipements déjà livrés », a poursuivi M. Lecornu.

À noter que, s’agissant de la maintenance des équipements livrés à l’Ukraine, KNDS, la co-entreprise formée par le français Nexter et l’allemand Krauss-Maffei Wegmann, a annoncé, le 15 novembre, qu’un « centre de service » serait créé en Slovaquie pour assurer l’entretien et la réparation des 18 CAESAr [dont un a récemment été touché par une frappe russe], des obusiers PzH2000, des systèmes MARS II et des blindés anti-aériens Gepard fournis à l’Ukraine.

L’aide militaire française pourrait également comprendre des radars utilisés par l’artillerie. « Nous étudions aussi une demande ukrainienne pour des radars car la détection en amont des frappes est cruciale », a en effet affirmé M. Lecornu, sans donner plus de détail.

S’il s’agit de radars de trajectographie, l’armée de Terre dispose du COBRA [Counter-Battery Radar], qui, relié au système ATLAS, permet de localiser en temps réel les batteries adverses situées à 40 km de distance. À moins qu’il ne soit question de radars de surveillance et d’aide au tir, comme le RATAC [radar de tir de l’artillerie de campagne] et le RASIT [radar d’acquisition et de surveillance des intervalles], remplacés depuis 2019 par le MURIN [Moyen de surveillance Utilisant un Radar d’observation des INtervalles].

À noter que, à l’Assemblée nationale, le 27 octobre, M. Lecornu a expliqué qu’il n’était pas question de faire de « cession qui mettrait la nation française en danger ». Et d’ajouter : « Nous le faisons avec le pragmatisme qui nous conduit à regarder la réalité de nos stocks, il est vrai, mais aussi la réalité des conseils que nous donnent nos généraux ».

Par ailleurs, toujours dans les colonnes du JDD, M. Lecornu a confirmé que 2000 soldats ukrainiens seraient formés en France, dans le cadre de la mission européenne EUMAM Ukraine. Selon lui, 400 l’ont déjà été, « notamment sur les équipements que nous livrons ». Et, a-t-il dit, cela « concerne des artilleurs, des opérateurs de défense sol-air, des mécaniciens car la maintenance des équipements dans la durée est essentielle » car on « ne forme pas uniquement sur les équipements de combat, mais aussi sur des fonctions logistiques ».

« Nous avons fait le choix de livrer des armes utiles, fiables et parfois très modernes comme les canons CAESAr. Nous n’avons pas voulu faire de l’affichage avec de la masse de vieux matériels. […] Prenez également la Facilité européenne de paix […] qui permet à chaque pays de se faire rembourser leurs dons d’armes à l’Ukraine. Nous sommes l’un des plus gros contributeurs avec 550 millions d’euros sur un total de 3 milliards. Nous payons donc aussi pour ce que donnent les autres! », a encore fait valoir le ministre.

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