La Suède a trouvé des traces d’explosifs sur des « objets étrangers » récupérés près des gazoducs Nord Stream

Le 26 septembre, après plusieurs explosions survenues dans les zones économiques exclusives [ZEE] de la Suède et du Danemark, quatre fuites détectées sur les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, exploités par le groupe Gazprom pour exporter du gaz naturel russe vers l’Allemagne. Et, très vite, la thèse d’un sabotage fut avancée.

Au moment des faits, les deux gazoducs n’étaient pas en état de fonctionner. Ayant été au centre de multiples controverses depuis le début de son construction, Nord Stream 2 n’était pas encore entré en service… Et Nord Stream 1 était à l’arrêt depuis plusieurs semaines en raison, selon Gazprom, de « problèmes techniques ». Et cette situation était forcément de nature à perturber l’approvisionnement énergétique de l’Allemagne, malgré les sanctions européennes décidées contre Moscou pour son agression de l’Ukraine.

Quoi qu’il en soit, étant donné qu’elle pouvait trouver un intérêt à saboter les deux gazoducs [invoquer un cas de force majeure lui permettrait de cesser ses livraisons de gaz à l’Allemagne sans avoir à payer de pénalités], la Russie fut très vite soupçonnée par certains…

En retour, le Kremlin accusa d’abord les États-Unis d’en avoir été à l’origine, soulignant les « énormes bénéfices réalisés par les fournisseurs américains de gaz naturel liquéfié », ceux-ci ayant été sollicités par les Européens pour compenser les livraisons russes. Puis, plus tard, le ministère russe de la Défense affirma que la Royal Navy avait participé « à la planification, à la fourniture et à la mise en oeuvre de l’acte terroriste » contre les deux gazoducs.

À noter par ailleurs que, en mai 2021, la Russie avait dénoncé une « activité accrue de navires, d’avions et d’hélicoptères militaires » visant à perturber la construction de Nord Stream 2. Et de pointer plus particulièrement la marine polonaise. À l’époque, Varsovie avait répondu que l’action de ses forces en mer Baltique était conforme au droit international.

Cela étant, trois enquêtes distinctes sont actuellement menées par la Suède, le Danemark et l’Allemagne pour déterminer les causes des quatre fuites constatées sur les deux conduites de gaz. La société Nord Stream, dont le premier actionnaire est Gazprom, a été autorisée par Stockholm à envoyer un navire civil sur les lieux des sabotages présumés. Et, début novembre, elle a dit avoir constaté la destruction d’un tronçon sous-marin d’une longueur de près de 250 mètres du gazoduc Nord Stream 1.

Le 6 octobre, et après l’envoi du navire de sauvetage de sous-marin HSwMS Belos près des fuites apparues dans la ZEE suédoise, le Service de la sûreté de l’État de la Suède [Säkerhetspolisen, ou SÄPO] avait confirmé que des détonations étaient bien à l’origine des dommages constatés sur les gazoducs ». Et de préciser que des « objets » avaient été saisis et qu’ils allaient être analysés.

Le résultat de ces examens vient d’être communiqué par Mats Ljungqvist, le procureur chargé de l’enquête préliminaire menée en Suède. « Les analyses qui ont été réalisées montrent des restes d’explosifs sur plusieurs des objets étrangers découverts », a-t-il annoncé, ce 18 novembre. Ce qui ne peut qu’évidemment renforcer la thèse d’un sabotage. « La poursuite de l’enquête préliminaire pourra montrer si quelqu’un peut être poursuivi pour crime », a-t-il ajouté.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le sabotage de ces deux conduites de gaz n’a pas forcément exigé de capacités d’action dans les fonds marins, comme celles que possèdent la Russie et les États-Unis… étant donné que Nord Stream 1 et Nord Stream 2 ont été posés à des profondeurs allant de 80 à 100 mètres.

Par ailleurs, de nouveaux éléments sont apparus dans ce dossier… Selon Reuters, qui a consulté les données du trafic aérien, un avion de patrouille maritime P-8A Poseidon de l’US Navy était en mission au-dessus de la mer Baltique le jour du sabotage des deux gazoducs. Cet appareil survolait la mer du Nord quand une explosion au sud-est de l’île de Bornholm fut enregistrée par les sismologues suédois, à 00h03 GMT, le 26 septembre.

Puis, aux environ de 01h00 GMT, ce P-8A Poseidon passa au sud de Bornhom, en direction du nord-ouest de la Pologne. Après avoir survolé le territoire polonais, il s’approcha, vers 02h44 GMT, à environ 15 nautiques de la zone où l’explosion venait de se produire, avant de mettre le cap vers l’enclave russe de Kaliningrad. Par la suite, l’avion coupa son transpondeur entre 03h39 GMT et 06h20 GMT, avant de le rallumer alors qu’il se trouvait de nouveau près de l’endroit où fut signalée une fuite.

Sollicité par l’agence de presse, un porte-parole de l’US Navy a confirmé ce vol d’un P-8A Poseidon au-dessus de la Baltique, expliquant qu’il avait assuré un vol de reconnaissance de routine dans la région, « sans rapport avec les fuites des gazoducs Nord Stream ». Et à la question de savoir si les renseignements qu’il avait pu éventuellement collecter à cette occasion pourraient aider les enquêtes, il a répondu : « Nous n’avons pas d’informations supplémentaires à fournir pour le moment ».

Des informations supplémentaires, l’entreprise américaine SpaceKnow, spécialiste de l’analyse des données satellitaires, en a récemment donné…

Ainsi, en effectuant des recherches parmi les images de la région prises par différents satellites durant les 90 jours ayant précédé le sabotage des gazoducs et en croisant différentes données d’itentification et de de reconnaissance, SpaceKnow a déterminé que 25 navires naviguaient dans le secteur au moment des faits… Et que deux d’entre-eux avaient désactivé leur système d’identification automatique [AIS], pourtant obligatoire pour les bateaux civils. Or, la mer Baltique étant très fréquentée, il serait irresponsable pour le capitaine d’un navire de se passer d’un tel système, conçu pour éviter les collisions. À moins d’avoir quelque chose à cacher…

Ces navires « fantômes », mesurant environ 95 à 130 mètres de long, seraient passés à quelques nautiques des endroits où ont été constatées les fuites. « Ils avaient leurs balises éteintes, ce qui signifie qu’il n’y avait aucune information sur leur présence et qu’ils essayaient de dissimuler leurs informations de localisation », a expliqué Jerry Javornicky, PDG et cofondateur de SpaceKnow, au magazine américain Wired. Les résultats de ce travail de recherche ont depuis été transmis à l’Otan.

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