Des députés s’étonnent du choix de la bombe américaine GBU-49 pour armer le futur drone MALE européen

En février, après des mois, voire des années de palabres, l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement [OCCAr] a fini par notifier le contrat de développement et de production du futur drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen à Airbus Defence & Space GmbH.

Pour rappel, l’idée de développer un drone MALE européen avait été proposée en 2013 par Airbus, Dassault Aviation et Leonardo. Puis, ayant pris la direction du projet dans le cadre d’une collaboration avec la France, l’Italie et l’Espagne, l’Allemagne fut en mesure d’imposer à ses partenaires le principe d’une double motorisation, l’appareil devant afficher une masse d’environ dix tonnes [soit cinq fois plus qu’un MQ-9 Reaper américain…].

« La décision d’opter pour un design bimoteur constitue […] une concession faite aux autorités allemandes, qui, d’une part, ne devra pas amener la France à renoncer à ses priorités et, d’autre part, devra se traduire à l’avenir par une plus grande souplesse de leur part dans la définition des caractéristiques d’autres projets », avait commenté l’ex-député Jean-Jacques Bridey, dans son rapport sur la Loi de programmation militaire 2019-25.

Par ailleurs, la question d’armer ou non cet EuroDrone fut en suspens pendant un temps, l’Allemagne ayant tardé à se décider pour des raisons « éthiques ».

Quoi qu’il en soit, le groupe Safran pouvait espérer bénéficier de ce programme. D’abord avec son turbopropulseur Ardiden TP3 pour la motorisation de ce futur drone européen. Puis avec son kit A2SM [Armement Air Sol Modulaire, ou Hammer] qui, monté sur un corps de bombe [généralement des Mk82 de 500 livres], permet à un aéronef d’atteindre une cible avec une grande précision et à une distance de sécurité.

Seulement, l’Ardiden TP3 n’a pas été retenu par Airbus Defence & Space, qui lui a préféré le Catalyst [ex-Advanced Turboprop, ou ATP], proposé par Avio Pro, filiale italienne de l’américain General Electric [GE]. Ce choix a fait tiquer quelques uns… Car si ce turbopropulseur sera fabriqué en Europe, il pourrait intégrer des composants américains susceptibles d’être concernés par la réglementation ITAR [International Traffic in Arms Regulations], laquelle sert de prétexte aux États-Unis pour bloquer des ventes d’équipements militaires pouvait faire de l’ombre à leurs industriels.

La Commission européenne a d’ailleurs indiqué qu’elle suivrait ce dossier. « Avio Aero est tenu, dans le cadre de l’application du droit de l’Union, de fournir tous les éléments de preuve garantissant que la souveraineté européenne sera préservée. À ce titre, la sous-traitance à Avio ne doit pas être contraire aux intérêts de l’UE et de ses États membres en matière de sécurité et de défense », a en effet fait valoir Thierry Breton, le commissaire chargé du marché intérieur, de la politique industrielle, de la défense et de l’espace.

Quant aux munitions qu’emportera l’EuroDrone, la Direction générale de l’armement [DGA] a récemment indiqué que la bombe GBU-49 qui, composée d’un corps de bombe Mk-82 et d’un kit Enhanced Paveway II, est produite par l’américain Raytheon, en ferait partie. De même que le missile haut de trame [MHT, ou Akeron LP] de MBDA… mais pour les appareils destinés à l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE]. Exit donc l’A2SM de Safran…

D’où les interrogations exprimées par des députés lors de la dernière audition d’Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement [DGA].

« L’Eurodrone embarque des bombes GBU-49 de fabrication américaine plutôt que des bombes françaises ou même européennes. Il ne nous semble pas que le groupe Safran ait été consultés à ce sujet », a ainsi déclaré Pierrick Berteloot [RN].

Celui-ci a été rejoint par Jean-Louis Thiériot [LR]. « Comment analysez-vous le choix d’équiper l’Eurodrone de bombes GBU-49 de Raytheon plutôt que de l’A2SM de Safran », a-t-il demandé au DGA. « Cela s’explique-t-il par des raisons techniques ou par autre chose? Je trouve inquiétant que l’on choisisse un matériel américain pour un projet de coopération européenne alors qu’existaient probablement des solutions européennes », a-t-il conclu.

Cependant, M. Chiva n’a pas répondu précisément aux interrogations de ces deux députés. « Au moment d’équiper [l’Eurodrone], l’A2SM de Safran n’a pas été retenu. Toutefois, pour la France, nous avons décidé d’équiper, en complément, le drone du missile ‘souverain’ MHT de MBDA », a-t-il dit. « La GBU-49 est un armement un peu plus basique et de portée moindre par rapport aux missiles que les armées françaises utilisent », a-t-il ensuite admis.

A priori, il aurait été difficile de faire autrement, pour des questions de coûts. « Si l’on devait, un jour, équiper l’Eurodrone d’un autre type de munitions, il faudrait étude cette possibilité, tout à fait envisageable en modifiant quelques caractéristiques architecturales. Mais ce sont quelques dizaines de millions d’euros qui devront être consacrés à ce rééquipement », a expliqué M. Chiva. « En résumé, l’équipement choisi pour l’Eurodrone reflète la vie normale d’un projet ; je suis conscient que certains industriels s’offusquent de pas avoir été retenus mais la décision prise résulte d’une étude de définition transparente », a-t-il ensuite fait valoir.

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