L’opération navale européenne Irini a intercepté un cargo chargé de blindés destinés à une faction libyenne

Fin octobre, quelques jours après avoir scellé une entente sur la prospection d’hydrocarbures dans les eaux libyennes, la Turquie a signé deux accords militaire avec le gouvenement établi à Tripoli et dirigé par Abdel Hamid Dbeibah, dont l’autorité est contestée par celui conduit par Fathi Bachagha, élu par le Parlement libyen et soutenu par l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar.

Ainsi, le premier accord vise à améliorer les « capacités de l’aviation militaire » de la Libye « grâce à l’expertise turque ». Des experts turcs devraient donc être envoyés à Tripoli afin d’y réparer des aéronefs relevant du gouvernement de M. Dbeibah. Des formations sont aussi prévues… et la livraison d’appareils « modernes » est évoquée.

Quant au second, il comporte plusieurs conventions de mise en oeuvre d’accords signés en 2019 par le précédent gouvernement d’union nationale [GNA], alors dirigé par Fayez el-Sarraj. Pour rappel, celui-ci avait pu se maintenir grâce à une importante aide militaire turque, alors qu’il était menancé par l’ANL du maréchal Haftar, laquelle bénéficiait alors du soutien des Émirats arabes unis, de l’Égypte et de la Russie.

Étant donné que la Libye est soumise à un embargo sur les armes décrété par les Nations unies, ces accords sont théoriquement compliqués à mettre en oeuvre. Mais la théorie est une chose, la pratique en est une autre…

Car, par le passé, cela n’a nullement empêché la Turquie d’envoyer des armes [et des combattants] à Tripoli. D’ailleurs, Ankara refuse le contrôle de cargos battant pavillon turc par l’opération navale européenne « Irini », dont l’une des missions est justement de veiller au respect de l’embargo, dans le cadre d’un mandat donné par la résolution n°2292 du Conseil de sécurité des Nations unies. Cela s’est encore produit le 10 octobre dernier, avec le MV Matilde A, qui faisait route vers le port libyen de Misrata.

Cela étant, cet embargo est aussi violé par les soutiens de l’Armée nationale libyenne, laquelle a notamment reçu des avions de combat Su-24 « Fencer » et MiG-29 « Fulcrum » ainsi que des systèmes de défense aérienne. Et ces livraisons ne se font pas dans la discrétion, comme en témoigne l’arraisonnement du MV Meerdijk, un cargo battant pavillon des Pays-Bas.

Via un communiqué publié le 9 novembre [soit un mois après les faits], l’état-major de l’opération navale européenne a en effet indiqué que ce navire avait été intercepté alors qu’il transportait des véhicules « modifiés à des fins militaires » vers la Libye.

« L’un des navires militaires européens opérant en Méditerranée centrale pour l’opération Irini a détecté le navire alors qu’il se dirigé vers la Libye. À la demande de l’opération Irini, conformément à la résolution 2292 du Conseil de sécurité des Nations unies, les Pays-Bas, en tant qu’État du pavillon du navire, ont donné sans délai leur accord pour l’inspection. Et, le 11 octobre, une équipe de visite a été envoyée à bord pour vérifier la nature de ces véhicules », explique le communiqué, qui ne donne pas de détails sur les moyens déployés lors de cet arraisonnement.

Actuellement, l’opération Irini a la frégate italienne IT Grecale et l’aviso français « Commandant Bouan » [doté d’un drone] à sa disposition, ainsi que des avions de surveillance maritime [dont un Falcon 50 de la Marine nationale].

Le cargo MV Meerdijk a d’autant plus facilement été « repéré » qu’il ne cachait même pas la nature de sa cargaison, quinze véhicules militarisés – des blindés légers de type BATT UMG en l’occurence – se trouvant sur son pont au moment de son arraisonnement. D’autres – plus d’une dizaine – étaient stockés dans ses cales.

Le BATT UMG est proposé par The Armored Group, dont le siège social est établi à Phoenix [Arizona]. Et celui-ci a une filiale aux Émirats arabes unis, où les véhicules transportés par le cargo néerlandais, ont probablement été produits. Ce qui suggère que les blindés – qui n’étaient pas armés – devaient être livrés à l’ANL.

Le communiqué d’Irini a indiqué, sans plus de détails, que le MV Meerdijk avait ensuite été dérouté vers un « port européen », afin de procéder à un examen plus approfondi de sa cargaison. Selon RTL Nieuws, ses propriétaires – les compagnies néerlandaises Vertom de Rhoon et Shiping Company Groningen – aucune amende ou sanction n’a été infligée. Et le cargo a pu ensuite reprendre sa route, pour acheminer du fret vers le Royaume-Uni.

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