L’armée de Terre veut un système de protection active pour le char Leclerc, le Griffon et le Jaguar

En 2008, l’Association de l’Armement Terrestre [AAT] décerna le prix « ingénieur général Chanson » à cinq ingénieurs de TDA Armement SAS [société désormais intégrée à Thales LAS France] et de l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis [ISL] pour leurs travaux relatifs à la protection active des blindés qui annonçait une « rupture technologique » dans ce domaine.

En effet, et comme l’avait expliqué la Direction générale pour l’armement [DGA] à l’époque, les lauréats de ce prix avaient mis au point une « chaîne d’initiation opto-pyrotechnique fiable et ultra-rapide » constituée d’un DOP [détonateur opto-pyrotechnique] associé à une source laser miniaturisée et à une fibre optique. « Elle s’intègre facilement sur tout véhicule blindé et est insensible aux rayonnements électromagnétiques et aux perturbations électrostatiques », était-il alors avancé.

Et c’est sur ce dispositif que devait reposer le démonstrateur de protection active SHarK [pour « Système Hard Kill »] sur lequel Thales et l’entreprise allemande IBD travaillaient dans le cadre d’un plan d’études amont de la DGA. Un Véhicule de l’avant blindé, appelé « VAB SHarK« , avait par la suite été mobilisé pour des essais.

Ainsi, cette technologie devait permettre de détecter et de détruire un projectile [missile, obus-flèche, roquette anti-char] avant l’impact contre un blindé en activant des modules de riposte dans un délai inférieur à 0,1 seconde. « Capable de détecter et d’intercepter une munition tirée à 15 mètres du blindé, ce dispositif est particulièrement bien adapté aux attaques à courte distance caractéristiques des affrontements en milieu urbain », fit valoir la DGA.

Seulement, et bien que le SHarK ait donné satisfaction lors d’essais effectués par la DGA à Bourges et qu’Arquus ait développé la solution « Advanced Survivability System » contre les menaces des charges en tandem, aucun blindé de l’armée de Terre, que ce soit le char Leclerc, le VBCI [Véhicule blindé de combat d’infanterie] ou encore les récents Griffon et Serval, n’a depuis été doté à ce jour d’un tel système de protection active. Cela étant, le programme « Prometheus« , conduit par Nexter et Thales, devrait y remédier… mais pas dans l’immédiat.

Dans le même temps, ayant accéléré ses travaux pour développer le système de protection active « Trophy Heavy » après le conflit israélo-libanais de l’été 2006, le groupe israélien Rafael a récemment obtenu plusieurs commandes, dont celles passés par les États-Unis [pour les M1A2 Abrams], l’Allemagne [Leopard 2A7] et le Royaume-Uni [pour le futur Challenger 3]. En outre, Israel Military Industries [IMI] a mis au point le système « Iron Fist » pour augmenter la protection des engins plus légers et des blindés de combat d’infanterie.

Et, au regard du retour d’expérience [RETEX] de la guerre en Ukraine, de tels dispositifs s’avèrent indispensables, les blindés russes ayant été particulièrement vulnérables face aux missiles anti-chars livrés aux forces ukrainiennes.

D’ailleurs, lors de son dernier passage devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, a été interrogé par deux députés – Jean-Louis Thiérot [LR] et Laurent Jacobelli [RN] – sur la protection active des blindés français en général et du char Leclerc en particulier.

Char Leclerc qui, au passage, fait actuellement l’objet d’une modernisation [standard XLR, ndlr]… qui ne prévoit pas l’intégration d’un dispostif de type « hard kill » [ou APS], l’accent étant mis sur un kit de protection supplémentaire anti-mine et anti-RPG ainsi que le brouilleur anti-EEI [engin explosif improvisé] BARAGE. La question sur cette protection active est d’autant plus importante que l’armée de Terre ne comptera que 200 exemplaires à l’horizon 2030 [du moins, selon le format tel qu’il a été défini par la Loi de programmation militaire en vigueur].

Quoi qu’il en soit, dans sa réponse, et après avoir rappelé le concept d’un système de protection active, le général Schill a indiqué qu’un tel « dispositif sera intégré aux chars Leclerc, comme sur les Griffon et les Jaguar » [et donc pas sur les Serval et les VBCI].

Et d’ajouter que « dans l’attente du projet de MGCS [Main Ground Combat System ou « char du futur »] franco-allemand à l’horizon 2030-35, nous souhaitons procéder à des modernisations des Leclerc ». A-t-il fait référence à celle qui est en cours [sachant que 18 chars rénovés seront livrés en 2023] ou bien à l’intégration à venir d’APS? La retranscription de ses propos ne le précise pas.

S’agissant de la question de l’emploi des chars, le général Schill a une nouvelle fois défendu son intérêt. « L’actualité confirme que la capacité ‘char de bataille’ demeure indispensable pour les engagements plus durs, car elle détermine l’aptitude au combat de rencontre et à la reprise de l’initiative ». D’où l’intérêt d’un système de protection active [entre autres]… Mais pas seulement.

« Il est donc primordial de proposer un successeur au char Leclerc », a poursuivi le CEMAT. « Nous sommes engagés dans une modernisation permettant aux Leclerc d’être utilisés jusqu’en 2035. Un char nouveau, idéalement franco-allemand, pourrait être construit en 2030. En cas de report de cette échéance, il serait sans doute nécessaire de réexaminer la portée de la modernisation des Leclerc », a conclu le CEMAT.

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