M. Macron érige « l’influence » au rang de fonction stratégique

Aux cinq fonctions stratégiques – dissuasion, prévention, protection, intervention, connaissance et anticipation – sur lesquelles repose la Stratégie de défense et de sécurité nationale française, il faudra en ajouter une nouvelle.

En effet, ce 9 novembre, à Toulon, depuis le porte-hélicoptères amphibie Dixmude, le président Macron a dévoilé les grandes lignes de la dernière mouture de la Revue nationale stratégique. Et, à cette occasion, après avoir confirmé la fin de l’opération Barkhane au Sahel, où les forces françaises ont été confrontées à des opérations relevant de la lutte informationnelle et notamment orchestrées par la Russie, il a annoncé que « l’influence » serait érigée au rang de « fonction stratégique ».

Notant que le « champ des perceptions » prend de plus en plus d’importance, M. Macron a ainsi souligné la nécessité de l’investir « avec une détermination nettement accrue » car « on a vu, comme en Afrique, souvent à l’instigation d’acteurs extérieurs, des récits malveillants s’implanter, être démultipliés par des jeux de miroir par des bots, des trolls et tout un bestiaire digital mis à contribution dans une manoeuvre très bien intégrée, il faut bien le dire, par plusieurs de nos rivaux pour contester notre sécurité et notre rayonnement. Et propager, outre de faux récits, un appétit de violence, manipuler les populations civiles et, en quelque sorte, accroître encore l’hybridité des conflits ».

Aussi, a continué le locataire de l’Élysée, « nous ne serons pas les spectateurs patients de cette évolution » et nous devrons savoir la détecter sans délai, l’entraver et à notre tour, mais à la manière d’une démocratie, la devancer, en user à notre profit dans les champs numériques et physiques ». Et d’ajouter : « Convaincre fait partie clairement des exigences stratégiques ».

Pour cela, a poursuivi M. Macron, « nous devons revoir nos moyens de le faire et dans ce nouveau contexte et « il nous revient aussi de penser la promotion, sans orgueil mais sans inhibition malvenue, de notre cause » car une « attitude qui serait seulement réactive, voire défensive, pourrait passer pour une forme de passivité. Ce ne sera pas la nôtre ».

Le chef de l’État n’a pas précisé ce qu’il entendait par « revoir nos moyens de le faire ». Les leviers culturels, économiques, juridiques ou encore scientifiques en feront-ils partie? Ou bien la France va-t-elle aussi se mettre à diffuser de fausses informations [ou, du moins, douteuses] pour contrer les menées d’un « compétiteur », comme certains profils repérés sur les réseaux sociaux le suggèrent?

Se livrer à une telle pratique serait jouer avec des allumettes… dans la mesure où elle risquerait de saper sa crédibilité… et donc sa capacité à démentir les bobards et autres tentatives de manipulation dont elle ferait éventuellement l’objet. Comme le dit un proverbe africain, « le mensonge donne des fleurs, mais pas de fruits ».

Quoi qu’il en soit, a repris M. Macron, « l’influence sera désormais une fonction stratégique, dotée de moyens substantiels, coordonnée au plan interministériel, avec pour sa déclinaison internationale, un rôle central du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ».

Cela étant, et s’agissant des armées, les opérations militaires d’influence [OMI] font déjà l’objet d’une doctrine, décrite dans le document DIA – 3.10.1 publié en mars 2008. Doctrine qui a depuis été complétée avec le concept de « Lutte informatique d’influence » [L2I] qui, dévoilé en octobre 2021, ne concerne pas le territoire national. Et celui-ci part du principe que « la supériorité opérationnelle est aussi informationnelle ».

D’ailleurs, à l’époque, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, avait expliqué que « pour les armées, le champ informationnel était devenu, plus que jamais, un champ de bataille », qu’il fallait « investir avec détermination et efficience », mais dans le « strict respect du droit national et international, notamment la charte des Nations unies ainsi que les règles du droit international humanitaire ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]