Moscou considère les satellites civils occidentaux utilisés pour aider Kiev comme des « cibles légitimes »

Si les forces ukrainiennes ont pu conserver une structure de commandement et de contrôle [C2] malgré les frappes et le brouillage de leurs communication par les Russes, c’est en grande partie grâce aux satellites et aux terminaux du réseau Starlink, déployé par la société américaine SpaceX, fondé par Elon Musk.

Le 14 octobre, et alors que des responsables ukrainiens venaient de le critiquer vertement pour avoir proposé un plan de paix jugé favorable à Moscou [qu’il « aille se faire foutre! », a même lancé Andriï Melnyk, l’ambassadeur d’Ukraine en Allemagne], celui-ci fit savoir qu’il n’entendait plus faire supporter à sa société les coûts des services fournis jusqu’alors gracieusement à l’armée ukrainienne. Soit environ 20 millions de dollars par mois. SpaceX ne « peut pas continuer à financer indéfiniment le système existant et envoyer des milliers de terminaux supplémentaires [..]. Ce n’est pas raisonnable », avait-il affirmé.

Finalement, les autorités ukrainiennes étant revenues à de meilleures sentiments à son égard, le patron fantasque de SpaceX [de Tesla et bientôt de Twitter] revint sur ses propos. « Qu’à cela ne tienne… Même si Starlink perd encore de l’argent et que d’autres compagnies reçoivent des milliards de dollars du contribuable, nous allons continuer à financer le gouvernement ukrainien », assura-t-il.

« Starlink est le seul système de communication qui continue à fonctionner sur le front, tous les autres sont morts », avait en outre souligné M. Musk. Et d’ajouter : « La Russie essaie activement de tuer Starlink. Pour sa protection, SpaceX a redirigé des ressources massives vers la défense ». Ce qui, évidemment, a un coût…

D’autant plus que, la Russie est accusée d’avoir lancé, aux premières heures de la guerre en Ukraine, une cyberattaque contre le satellite de communications KA-SAT qui, exploité par la société américaine Viasat, fournissait alors un accès Internet à haut débit à plusieurs pays européens. Et, visiblement, Moscou pourrait ne pas en rester là…

En effet, le 26 octobre, lors d’une réunion de la Première Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, Konstantin Vorontsov, directeur adjoint du département de la non-prolifération et du contrôle des armes du ministère russe des Affaires étrangères, a dénoncé « l’utilisation provocatrive » par les États-Unis [et leurs alliés] de « satellites civils » dans le cadre de la guerre en Ukraine. Le réseau Starlink est évidemment visé… mais sans doute aussi les sociétés d’imagerie spatiale, comme par exemple Digital Globe.

« Nous voudrions souligner une tendance extrêmement dangereuse, qui s’est clairement manifestée au cours des évènements en Ukraine. Nous parlons de l’utilisation par les États-Unis et leurs alliés de satellites civils, y compris commerciaux, dans les conflits armés », a en effet déclaré M. Vorontsov. Et de prévenir que ces engins « peuvent être une cible légitime lors d’une frappe de représailles. »

« Les actions occidentales mettent inutilement en péril la pérennité des activités spatiales pacifiques, ainsi que de nombreux processus sociaux et économiques sur Terre » et peuvent affecter « le bien-être des personnes, en premier lieu les populations des pays en développement », a par ailleurs soutenu le diplomate russe, après avoir assuré que son pays, à l’instar de la Chine, « continuerait de proposer de ne pas utiliser d’objets spatiaux comme armes contre des cibles sur Terre, dans les airs ou dans l’espace extra-atmosphérique, et de ne pas construire, tester, déployer ou utiliser des armes spatiales pour la défense antimissile ».

Cela étant, en novembre 2021, la Russie a procédé à l’essai d’un missile antisatellite à ascension directe [ASAT] contre l’un de ses propres engins, en l’occurence le Cosmos-1408, mis en orbite en 1982. Depuis, plusieurs centaines de débris évoluent entre 200 et 1000 km d’atitude… Ce qui a d’ailleurs contraint la Station spatiale internationale [ISS] à effectuer une nouvelle manieuvre d’évitement, dans la nuit du 24 au 25 octobre.

Quoi qu’il en soit, la menace évoquée par le responsable russe peut être prise très au sérieux… Car Moscou considère que les pays apportant un soutien militaire à l’Ukraine, en particulier via la livraison d’armes, sont des « parties prenantes au conflit ».

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