Malgré les tensions, l’Otan et la Russie vont mener des exercices nucléaires

À plusieurs reprises, depuis le début de la guerre en Ukraine, le président russe, Vladimir Poutine, a averti qu’il utiliserait « tous les moyens à [sa] disposition » pour défendre « l’intégrité territoriale » et « l’indépendance » de la Russie. Et, en septembre, au moment d’annoncer la mobilisation partielle, il a déclaré que « ceux qui essaient de nous faire chanter avec des armes nucléaires doivent savoir que la rose des vents peut tourner dans leur direction ». Jusqu’alors, il avait surtout parlé de « conséquences que vous n’avez encore jamais connu » en s’adressant à ceux qui « tenteraient d’interférer » dans l’offensive menée par ses troupes sur le sol ukrainien.

Évidemment, il est difficile d’y voir autre chose que des menaces nucléaires, même si la Russie est censée avoir d’autres moyens pouvant provoquer de lourds dégâts [armes antisatellites, capacités pour la « guerre des fonds marins », avec l’éventuel sabotage de câbles de télécommunications, levier de l’énergie, etc].

Cela étant, et pour le moment, la Russie n’a pas modifié sa posture nucléaire… En outre, s’agissant de l’Ukraine, la « massification » de ses troupes, rendue possible avec la mobilisation de 300’000 réservistes, est de nature à changer la donne sur le terrain, un tel rapport de forces ne pouvant qu’être défavorable aux Ukrainiens, aussi courageux et combatifs soient-ils. D’autant plus que Moscou disposent de forces aériennes quasiment intactes…

Quoi qu’il en soit, l’éventualité d’une frappe nucléaire « tactique » russe contre l’Ukraine est prise très au sérieux. Notamment par le président américain, Joe Biden, qui a dit craindre une « apocalypse nucléaire », estimant que la situation actuelle rappelait celle de la crise des missiles de Cuba [1962]. Ou encore par Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan.

« Si la Russie utilise une arme nucléaire, quelle qu’elle soit, contre l’Ukraine, cela aura de graves conséquences », a-t-il en effet déclaré, le 13 octobre, à l’issue d’une réunion des ministres de la Défense des pays membres de l’Otan. « La Russie le sait […] Nous n’entrerons pas dans les détails de notre réponse, mais bien sûr cela changera fondamentalement la nature du conflit », a-t-il ajouté.

« Toute utilisation d’armes nucléaires, même une petite arme, aura des conséquences et la Russie le sait », mais « les circonstances dans lesquelles l’Otan pourrait avoir à utiliser des armes nucléaires sont extrêmement éloignées », a ensuite précisé M. Stoltenberg.

Dans ce contexte, toute erreur de calcul pourrait avoir de graves conséquences. D’où la transparence dont l’Otan fait preuve pour annoncer la tenue de son exercice nucléaire annuel « Steadfast Noon », lequel débutera le 17 octobre, pour se terminer treize jours plus tard.

Impliquant quatorze pays [mais pas la France, ndlr], « Steadfast Noon » est une « activité récurrente d’entraînement de routine » qui « n’est liée à aucun évènement mondial actuel », fait valoir l’organisation.

Cet exercice se déroulera principalement en Belgique, avec toutefois des vols prévus au-dessus de la mer du Nord et au Royaume-Uni. « Aucune arme réelle ne sera utilisé », croit utile de préciser l’Otan. Au moins soixante aéronefs y participeront, dont des avions de combat de 4e et 5e génération ainsi que des bombardiers B-52H Stratofortress en provenance de la base aérienne de Minot [Dakota du Nord].

Compte-tenu de la situation actuelle, « Steadfast Noon » aurait pu être annulé, voire reporté, d’autant plus qu’il est attendu que la Russie en fasse autant, avec l’exercice GROM, qu’elle conduit régulièrement pour vérifier l’état de préparation de ses forces stratégiques.

Mais comme l’a soutenu M. Stoltenberg, « annuler soudainement un exercice de routine prévu de longue date à cause de la guerre en Ukraine aurait été un très mauvais signal ». Et d’ajouter : « Le comportement ferme et prévisible de l’Otan est le meilleur moyen d’empêcher l’escalade ».

Quant à l’exercice Grom, « nous le surveillerons comme nous l’avons toujours fait », a-t-il dit. « Bien sûr, nous resterons vigilants, notamment à la lumière des menaces nucléaires voilées et de la rhétorique dangereuse que nous avons vue du côté russe », a-t-il conclu.

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