M. Lecornu sur le SCAF : « La coopération n’est pas le besoin de l’avion »

Depuis maintenant plus d’un an, le programme SCAF [Système de combat aérien du futur], dirigé par la France, en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne, est suspendu à un accord entre Dassault Aviation et Airbus concernant le développement d’un avion de combat de nouvelle génération [NGF – New Generation Fighter], appelé à être au centre d’un « système de systèmes ».

Pour rappel, le SCAF est organisé selon différents piliers [avion de combat, moteurs, effecteurs connectés, cloud de combat, cohérence d’ensemble, furtivité, capteurs], avec, pour chacun d’entre eux, un maître d’oeuvre, désigné selon le principe du « meilleur athlète ». D’où la choix de Dassault Aviation pour le mener à bien le développement du NGF, avec Airbus Defence & Security [avec ses filiales allemandes et espagnoles] comme partenaire principal.

Au-delà des différends politiques de part et d’autre du Rhin, Dassault Aviation, qui estime avoir déjà fait beaucoup de concessions [une moitié des tâches spécifiques sans responsable désigné et l’autre moitié partagée selon la règle des trois tiers, ndlr], entend garder les leviers lui permettant d’assurer sa maîtrise d’oeuvre. Ce que lui conteste Airbus, qui voudrait tenir un rôle allant au-delà d’un simple « sous-traitant ». Des discussions pour tenter de débloquer la situation ont eu lieu en septembre. La mi-octobre approche… et il n’a fait été état d’aucune avancée…

Le 22 septembre, lors d’un déplacement à Berlin, où il a rencontré Christine Lambrecht, son homologue allemande, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a affirmé que le « SCAF est un projet prioritaire », « attendu autant par Berlin que par Paris » et qu’il « se fera ». Et d’insister : « Nous avons besoin de réfléchir à ce que sera l’aviation de chasse du futur, puisque nous en avons besoin, et nous devons déjà penser à la régénération de nos équipements en la matière ».

Cela étant, l’éventualité d’un échec de la coopération concernant le SCAF – et notamment l’avion de combat de nouvelle génération – est de plus en plus ouvertement évoquée par les parlementaires, dont ceux de la Commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, où M. Lecornu a été invité à clarifier ses propos tenus à Berlin, lors de son audition du 11 octobre.

« Je vous recite ma citation : ‘il est attendu par Paris que cela se fera’. En fait, cela me permet de clarifier cette phrase devant vous. Oui, il y aura un avion du futur […] Oui, il y aura un successeur au Rafale. Il faut démarrer par là. Et je l’ai dit à mon homologue allemande. Oui, il y aura un successeur au Rafale qui a vocation à participer à la dissuasion nucléaire […], qui aura vocation à participer à notre politique d’export, pour donner deux exemples précis », a répondu M. Lecornu, qui n’a pas cité la version embarquée de ce NGF.

À Berlin, le ministre avait laissé le sentiment que Paris et Berlin partageaient le même objectif… Mais d’après ce qu’il a expliqué aux sénateurs, il se serait surtout attaché à préciser la « vision française » du SCAF. « Comme on dit en droit civil, il faut que ces coopérations soient synallagmatiques », a-t-il dit.

Selon l’article n°1106 du Code civil, un contrat est « synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres ». Et il est « unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci ».

« J’ai rappelé évidemment aux Allemands que […] le SCAF doit se faire parce nous avons besoin d’un avion [pour la] succession du Rafale, d’un système de cloud collaboratif […] et d’une réflexion avec les drones. Donc sur la nécessité que ce programme se fasse, quoi qu’il advienne », a continué M. Lecornu. Il aurait toutefois été intéressant d’avoir le point de vue de Mme Lambrecht, pour voir si les préoccupations françaises étaient partagées par Berlin…

« La coopération n’est pas le besoin de l’avion », a ensuite lancé le ministre. « Cela a été dit à nos partenaires allemands », a-t-il précisé. Faut-il comprendre que deux avions de combats pourraient être développés [l’un par Dassault Aviation pour la France, l’autre par Airbus pour l’Allemagne, voire pour l’Espagne] dans le cadre du SCAF?

« À tout hasard, est-ce qu’il y a un plan B? », a demandé, non sans malice, Christian Cambon, le président de la commission. « La réalité est que la France n’a pas à rougir de son savoir-faire », a répondu M. Lecornu.

Cela « veut dire que je crois à cette coopération, je l’ai dit à la ministre [allemande]. J’ai dit que je croyais à l’export et à la dissuasion nucléaire, […] ce qui me semble deux éléments structurants du programme », a enchaîné M. Lecornu.

Quoi qu’il en soit, a-t-il ensuite rappelé, « le SEI [statement of intent – déclaration d’intention] a été signé » et le « SOW [statement of work, censé préciser les tâches prévues au titre du contrat] devrait l’être prochainement ». Et d’ajouter : « La réalité est que le contenu de la phase 1B [démonstrateurs, ndlr] est utile, quoi qu’il arrive. Après, il est clair qu’on aura des rendez-vous », a-t-il conclu.

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