La facture des opérations extérieures menées en 2022 par les forces françaises s’annonce très salée

Quand il était ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian avait assumé le fait de sous-évaluer les surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures [OPEX/MISSINT] dans le projet de loi de finances initiales, la différence devant alors être comblée par la solidarité interministérielle. Ainsi, l’idée était de trouver des marges de manoeuvres budgétaires à un moment où les ressources des armées étaient contraintes. Une façon de faire que n’approuvaient évidemment pas le ministère du Budget et la Cour des comptes.

En 2017, il ne fut plus question de recourir à un tel expédient, le montant des provisions « OPEX/MISSINT » devant désormais être évalué avec le plus de sincériré possible… Un exercice délicat, sauf à lire dans le marc de café. Quoi qu’il en soit, dans le cadre de la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, il fut décidé de porter progressivement l’enveloppe dédiée aux opérations extérieures de 450 millions [en 2017] à 1,1 milliard d’euros en 2020 [et même à 1,2 milliard en prenant en compte les surcoûts des missions intérieures].

Seulement, malgré cet effort de « sincérité », les provisions « OPEX/MISSINT » se sont révélées insuffisantes. Si l’article 4 de la LPM prévoyait un recours à la solidarité gouvernementale pour financer la différence, celle-ci a toujours été pris en charge sur les deniers du ministère des Armées, notamment via des redéploiements de crédits [notamment ceux du titre II, c’est à dire les dépenses de personnel]. Mais pas seulement.

« Tous les programmes contribuent au financement de ces surcoûts en cours d’année, ce qui se révèle particulièrement pénalisant pour les forces qui ont peu de marges de manœuvre en gestion, si ce n’est l’entraînement », avaient ainsi déploré l’ex-députée Sereine Mauborgne, dans un avis budgétaire publié en 2020.

L’an passé, le surcoût total des OPEX/MISSINT s’était élevé à 1,56 milliard d’euros, en grande partie à cause de l’opération Barkhane. Et cela, alors qu’il était attendu en baisse, apès la fin du « califat » autoproclamé par l’État islamique au Levant. Pour combler la différence, le ministère des Armées avait dû, de nouveau, consentir à des redéploiements, voire à des annulations, de crédits.

Qu’en sera-t-il pour la fin de gestion de l’année 2022? Une chose est sûre : la note s’annonce salée, comme l’a laissé entendre le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, lors d’une audition au Sénat, le 11 octobre. Ce qui n’est pas une surprise, notamment à cause du départ de Barkhane du Mali [le retrait d’un théâtre se traduit toujours par une hausse des dépenses, liées à la nécessité de mettre en place des flux logistiques importants et d’en assurer la protection] et de la participation française au renforcement du flanc oriental de l’Otan.

« Pour 2022, je ne peux pas encore répondre [sur le niveau des surcoûts OPEX/MISSINT] mais il est clair que les crédits vont être importants », a déclaré M. Lecornu, citant la « manoeuvre entre le Mali et le Niger, qui a été une grande réussite logistique » et les « moyens de réassurance sur le flanc est de l’Otan ».

Globalement, a-t-il précisé, « Roumanie, Estonie, Pologne, Lituanie… au moment où je vous parle, on est déjà à quelque chose qui peut se chiffrer autour de 600/700 millions d’euros ».

Cette évaluation prend, a priori, en compte les déploiements à venir d’un escadron de char Leclerc et d’une compagnie de VBCI en Roumanie, où la France est la nation cadre d’un bataillon multinational de l’Otan, ainsi que l’envoi de Rafale en Lituanie et celui d’une compagnie d’infanterie légère supplémentaire en Estonie.

« Il faut que l’on fasse de la pédagogie auprès de nos concitoyens. Construire un camp à Cincu [Roumanie] dans de bonnes conditions coûte nécessairement un peu d’argent. Donc, tout ça, il faudra aussi qu’on l’assume. Et donner le prix de ce que nous faisons participe aussi à l’acceptabilité sociétale. Je pense qu’il faut faire cartes sur table », a par ailleurs estimé le ministre.

Si le coûts de l’opération Barkhane ont été plus élevés en raison de son retrait du Mali [ou même s’ils sont du même ordre que ceux constatés en 2021], alors le total des surcoûts OPEX/MISSINT devrait dépasser les deux milliards d’euros cette année. Et, contrairement à la pratique de ces cinq dernières années, il n’est pas question pour M. Lecornu que le ministère des Armées soit le seul à en assumer le financement.

« Quand on est au-dessus [de la provision de 1,2 milliard d’euros, prévue en loi de finances initiales, ndlr], la solution reste la solidarité interminestérielle, qui, je le dis, est un bon principe. C’est la loi. C’est un bon principe parce qu’il y a quelque chose de différend à défendre le pays et être engagé en OPEX. […] Et on ne doit pas être freiné dans la capacité à [agir] », a fait valoir le ministre. Reste à voir ce qu’en dira Bercy… On connaîtra la réponse lors du prochain projet de loi de finances rectificative.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]