Saab critique la procédure ayant conduit le Canada à choisir le F-35A aux dépens du Gripen E/F

Avant d’être nommé Premier ministre du Canada, en octobre 2015, Justin Trudeau avait promis que l’achat de 65 avions F-35A, décidé par son prédécesseur, le conservateur Stephen Harper, ne se ferait pas… Et il était allé même plus loin : « Nous n’achèterons pas de chasseurs-bombardiers furtifs F-35 » et les « dizaines de milliards de dollars pour les prochaines décennies » économisés devaient alors servir à moderniser les capacités navales du pays », avait-il dit. Et d’assurer qu’un appel d’offres « transparent » serait lancé pour remplacer les CF-18 Hornet de l’Aviation royale canadienne.

Ce qui fut le cas… Parmi les cinq appareils autorisés à y participer, le F/A-18 Super Hornet de Boeing fut éliminé, alors qu’il faisait figure de favori. Et le consortium Eurofighter, qui soutenait la candidature de Typhoon, se retira de lui-même de la compétition. De même que Dassault Aviation, son Pdg, Éric Trappier, ayant refusé que le Rafale tînt le rôle du « lièvre » pour un appareil américain…

Justement, le JAS-39 Gripen E/F de Saab joue-t-il ce rôle de « lièvre » pour le F-35A de Lockheed-Martin, avec lequel il est arrivé en finale de cet appel d’offres? Le président de la filiale canadienne du groupe suédois, Simon Carroll, n’est visiblement pas loin de le penser, à en juger par les propos qu’il a tenus le 29 septembre, lors d’une audition parlementaire.

Pour rappel, en mars, le gouvernement canadien fit savoir qu’il allait entamer des négociations avec Lockheed-Martin en vue d’acquérir 88 F-35A pour un montant maximal de 19 milliards de dollars. Et il s’agissait alors d’aller vite puisque le contrat devait être signer avant la fin de l’année 2022, afin de permettre la livraison des premiers chasseurs-bombardiers à l’Aviation royale canadienne dès 2025. Cependant, dans le même temps, il avait indiqué que, en cas d’échec des discussions avec l’industriel américain, il se réservait le droit de se tourner vers Saab.

Or, le contenu des négociations actuellement en cours entre Ottawa et Lockheed-Martin a été dénoncé par le Pdg de Saab Canada, celui-ci estimant qu’il porte sur des questions qui auraient dû être abordées durant la phase d’appel d’offres.

« De récentes déclarations du gouvernement ont indiqué que le Canada négociait les coûts, le calendrier de livraison et les avantages économiques avec notre concurrent », a d’abord rappelé M. Carroll. Or, a-t-il continué, « il ne devrait y avoir aucune négociation sur ces éléments critiques. Ces éléments de la réponse des soumissionnaires devaient être engagés puis évalués dans le cadre du processus d’appel d’offres ». Aussi a-t-il accusé Ottawa de ne « pas respecter le processus qui avait été présenté à Saab ».

Interrogé par Radio Canada sur l’éventualité d’un recours en justice, une porte-parole de Saab a botté en touche. « Comme indiqué lors de notre comparution [29/09], Saab a fourni des engagements fermes au Canada sur les prix, le calendrier de livraison et les retombées économiques pour l’industrie canadienne. Nous soutenons cette offre », a-t-elle répondu, sans plus de détails.

Selon l’ex-colonel Alan Stephenson, analyste à l’Institut canadien des affaires mondiales, les discussions concernant l’achat des F-35A sont « opaques ». Aussi, a-t-il ajouté, et comme le rapporte la Presse canadienne, « si Saab s’estime lésé par le processus d’appels d’offres, il pourrait toujours se tourner vers la Cour fédérale ou le Tribunal canadien du commerce extérieur ».

Cela étant, le gouvernement canadien assure suivre à la lettre la procédure qu’il a initiée. « La phase de finalisation est toujours en cours et est exécutée comme précisé dans les documents d’appel d’offres. […] Au cours de cette phase, le soumissionnaire qui se classe le mieux doit ensuite démontrer qu’un éventuel contrat répondrait à toutes les exigences du Canada », a ainsi fait valoir la porte-parole de Services publics et Approvisionnement Canada.

Reste que Lockheed-Martin ne pouvait pas faire une offre ferme dans le cadre de l’appel d’offres étant donné que le prix du F-35A n’est pas fixe puisqu’il dépend de plusieurs paramètres… comme, par exemple, le calendrier des livraisons [ce qui, au passage, n’a pas été un problème avec la Suisse… mais les conditions de l’appel d’offres lancé par celle-ci étaient différentes].

En attendant, les discussions entre Ottawa et Lockheed-Martin ne sont toujours pas finalisées… Et il est question qu’elle se prolongent jusqu’au début de l’année prochaine, ce qui ferait que le premier F-35A serait livré à l’Aviation royale canadienne, au plus tôt, en 2026.

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