Berlin a fini par lever ses restrictions sur les ventes de biens militaires à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis

En 2017, l’accord de gouvernement trouvé par les chrétiens-démocrates de la CDU/CSU et les sociaux-démocrates du SPD prévoyait de geler les ventes de matériels militaires aux pays impliqués dans la guerre du Yémen, à commencer par l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis. Puis, au moment de l’affaire Khashoggi [du nom d’un journaliste saoudien assassiné en Turquie, ndlr], Berlin décréta un embargo total à l’égard de Riyad.

Or, cette décision ne concerne pas seulement les industriels allemands [qui l’ont d’ailleurs contesté, à l’image de Rheinemetall] mais les entreprises européennes utilisant des composants fabriqués en Allemagne pour produire les équipements commandés par les pays visés par de tels restrictions. Et, faute de pouvoir assurer les livraisons dans les délais, ils risquent de s’exposer à des pénalités… Voire à des difficultés financières susceptibles de les mettre en péril, comme ce fut le cas de Nicolas Industrie, en 2019.

Régulièrement reconduit, cet embargo décidé par Berlin a par ailleurs bloqué l’exécution de contrats importants, comme celui relatif à la livraison de 48 chasseurs Eurofighter Typhoon à la Royal Saudi Air Force [RSAF], commandé auprès du Royaume-Uni. « En montrant une sorte de super-élévation morale sur les exportations d’armes, l’Allemagne frustre le Royaume-Uni, la France et l’Espagne », avait ainsi avancé Tom Enders, l’ex-patron [allemand] d’Airbus, en février 2019.

Après les élections fédérales de 2021, on pouvait s’attendre à une politique allemand encore plus restrictive en matière de vente d’armes. Du moins, l’accord de gouvernement entre les sociaux-démocrates, les Verts et les libéraux du SPD le suggérait-il puisqu’il y était question de « durcir » les règles en matière d’exportations de matériels militaires, y compris au niveau de l’Union européenne [UE], en cherchant à y associer les États membres. Ce qui promettait quelques tensions avec la France sur ce sujet…

Seulement, et contre toute attente [mais l’invasion de l’Ukraine par la Russie l’explique sûrement…], la ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, a plaidé en faveur d’un assouplissement des règles allemandes en matière de ventes d’armes, estimant que leur rigueur empêchait les coopérations européennes. « Quel partenaire voudrait investir avec nous dans des projets s’il doit toujours craindre que nous empêchions les exportations et rendions ainsi le refinancement plus difficile? » a-t-elle demandé, le 12 septembre.

Mais selon des informations révélées par l’hebdomadaire Der Spiegel, cet « assouplissement » de ces règles s’est traduit par la levée des restrictions jusqu’alors imposées par Berlin aux contrats d’armement concernant l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis.

Ainsi, la semaine passée, peu avant un déplacement du chancelier allemand, Olaf Scholz, dans ces deux pays [et au cours duquel il a signé un accord sur le gaz avec Abu Dhabi], écrit Der Spiegle, le « gouvernement fédéral a approuvé de nouvelles licences de livraison d’armes vers des États non membres de l’Otan », dont à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis.

Et d’ajouter : « Le ministre de l’Economie, Robert Habeck [Verts], a confirmé dans une lettre adressée au Bundestag que peu de temps avant le voyage [de M. Scholz], plusieurs accords avaient été approuvés par la chancelier et ses ministres les plus importants ».

Les licences concernant Riyad porte sur « tous les projets d’armement européens dans lesquels l’industrie allemande est impliquée », poursuit l’hebdomadaire. Et, désormais, les Saoudiens sont « autorisé à acheter de l’équipement et de l’armement pour les avions de chasse Eurofighter et Tornado pour 36,1 millions d’euros », détaille-t-il.

Quant aux Émirats arabes unis, ils pourront désormais se fournir en pièces détachées auprès de l’industriel allemand Kappa Opto Electronics pour le maintien en condition opérationnel [MCO] de leurs avions ravitailleurs A330 MRTT. « Les pays partenaires ont exercé une pression considérable sur Berlin, car certains des avions n’étaient plus opérationnels sans les pièces de rechange nécessaires », souligne Der Spiegel.

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