Un général américain met en doute la capacité de la Chine à envahir Taïwan à moyen terme

Le 19 septembre, le président américain, Joe Biden, a déclaré que les États-Unis défendraient Taïwan « si un attaque sans précédent venait à se produire ». Ce qui n’a pas manqué de faire réagir les autorités chinoises, qui ont dénoncé une « grave violation de l’engagement important » de Washington à « ne pas soutenir l’indépendance » de cette île, que Pékin considère comme une « province rebelle ».

Ces dernières années, de par les différentes déclarations de ses principaux responsables, la Chine ne laisse guère de doute sur ses intentions… Le recours à la force pour faire revenir Taïwan dans son giron étant régulièrement évoquée plus ou moins explicitement, notamment en faisant référence à la loi « anti-sécession » de 2005, dont l’article 8 légitime une opération militaire si Taipei proclame son indépendance.

Aussi, pour beaucoup, la question n’est pas de savoir si la Chine envahira Taïwan… mais quand elle se décidera à le faire. Et cela pourrait arriver en 2027, soit pour le centenaire de l’Armée populaire de libération [APL]. Du moins, c’est ce qu’avancent plusieurs responsables du Pentagone, dont le général Mark Milley, le chef d’état-major interarmées américain. Mais aussi la CIA.

En effet, la semaine passée, son directeur adjoint, David Cohen, a en effet déclaré que, même s’il n’a pas encore pris de décision de lancer une opération militaire contre Taïwan, le président chinois, Xi Jinping, souhaite que l’APL ait la capacité de prendre l’île par la force d’ici 2027. « Nous observons très attentivement la façon dont les Chinois comprennent la situation en Ukraine – comment les Russes et les Ukrainiens se sont comportés – et ses implications pour leurs propres plans à l’égard de Taïwan », a-t-il dit.

Justement, les difficultés des forces russes en Ukraine pourraient inciter Pékin à revoir le calendrier de ses ambitions. « Je ne pense pas que la Chine veuille se mettre dans une position dans laquelle la Russie se trouve aujourd’hui », a récemment commenté Colin Kahl, le sous-secrétaire américain à la Défense pour la politique. Et d’estimer que les coûts militaires, politiques, économiques et diplomatiques seraient trop importants.

Le 19 septembre, lors d’une rencontre avec la presse, le général Kenneth Wilsbach, le commandant des forces aériennes américaines dans le Pacifique [PACAF], a mis en doute la capacité de l’APL à envahir Taïwan d’ici 2027.

Les déconvenues russes en Ukraine devraient « conduire les dirigeants chinois à se demander si l’objectif de 2027 est réaliste » et « si j’étais à leur place, je serais vraiment inquiet », a-t-il dit.

« La Russie aurait dû avoir un problème relativement facile à résoudre : elle devait traverser la frontière et prendre le contrôle d’un pays dont elle est militairement supérieur. Et pourtant, elle a subi beaucoup d’échecs et elle n’a certainement pas atteint ses objectifs », a résumé le général Wilsbach. Or, a-t-il poursuivi, avec Taïwan, la Chine sera confrontée « à un problème militaire encore plus difficile à résoudre », avec la traversée – à découvert – du détroit de Taïwan en vue d’une opération amphibie et des frappes aériennes « contre un endroit bien défendu… et un endroit qui a clairement l’intention de se défendre ».

Par ailleurs, le général Wilsbach a aussi relativisé les performances du Chengdu J-20. « C’est leur avion le plus moderne. Nous avons eu une occasion limitée de l’évaluer. Il semble correct… mais il n’y a pas de quoi en perdre le sommeil », a-t-il dit.

En mars dernier, évoquant la première rencontre entre des F-35A et des J-20 en mer de Chine, le même général Wilsbach s’était dit impressionné par les capacités « de commandement et de contrôle associées » à ce chasseur-bombardier chinois…

Cela étant, l’estimation du chef du commandement de l’US Air Force pour le Pacifique tranche avec les simulations d’invasion de Taïwan qu’effectuent régulièrement certains centres de réflexion américains.

L’une d’elles, réalisée par Center for Strategic and International Studies [CSIS] a été évoquée en août par l’agence Bloomberg, soit au moment où Pékin menait des manoeuvres de grande ampleur dans les environs de Taïwan. Résultat : En 2026, et dans la plupart des scénarios, les forces taïwanaises pourraient contrer une invasion, avec le soutien militaire des États-Unis. « Cependant, le coût sera très élevé pour l’infrastructure et l’économie taïwanaises et pour les forces américaines dans le Pacifique », a résumé Mark Cancian, un chercheur du CSIS. Cela étant, a-t-il admis, « nous n’avons pas examiné les scénarios les plus pessimistes, où la Chine pourrait conquérir toute l’île ».

Par ailleurs, et au rythme auquel vont les progrès technologiques, un rapport du Special Competitive Studies Project, un organisme dirigé par Éric Schmidt, un ancien Pdg de Google, a mis en garde contre le risque de décrochage des États-Unis à l’égard de la Chine.

« Pour comprendre les enjeux, il faut imaginer un monde dans lequel un État autoritaire contrôle l’infrastructure numérique, jouit d’une position dominante sur les plateformes technologiques mondiales, contrôle les moyens de production des technologies critiques et exploite une nouvelle vague de technologies à usage général, comme les biotechnologies et les nouvelles technologies énergétiques, pour transformer sa société, son économie et son armée », avance le document.

Et dans un tel cas de figure, « l’armée américaine perdrait son avance technologique par rapport son homologue chinoise » et « la Chine pourrait être en mesure de couper l’approvisionnement en composants microélectroniques et autres intrants technologiques critiques », prévient ce rapport.

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