M. Poutine parle de « menaces » ayant « dépassé toutes les limites » et décide une « mobilisation partielle »

Pendant que la guerre en Ukraine était largement évoquée à la tribune des Nations unies, le 20 septembre, [« Ce à quoi nous assistons depuis le 24 février dernier est un retour à l’âge des impérialismes et des colonies. La France le refuse et recherchera obstinément la paix », a ainsi déclaré le président Macron], les dirigeants des régions ukrainiennes de Louhansk, de Donetsk, de Kherson et de Zaporijjia, sous contrôle russe, ont fait part de leur intention d’organiser des référendums en vue de leur annexion par la Russie.

Dans le même temps, à Moscou, la Douma [chambre basse du Parlement] a voté des amendements visant à durcir les peines non seulement en cas de crime commis pendant « la mobilisation ou la loi martiale, en temps de guerre » mais aussi à établir une responsabilité pénale pour les réservistes militaires s’ils ne répondent pas aux convocation ou s’ils désertent. En outre, des sanctions s’appliqueront également en cas de refus d’exécuter un ordre.

Le vote de ces dispositions ne devait rien au hasard étant donné que la possibilité d’une mobilisation partielle – voire générale – a plusieurs fois été évoquée en Russie depuis le lancement en Ukraine de « l’opération spéciale » par le Kremlin. Surtout depuis que l’armée ukrainienne mène une contre-attaque ayant mis les forces russes en grande difficulté dans la région de Kharkiv, celle-ci ayant effacé pratiquement tous leurs gains territoriaux obtenus depuis la deuxième phase de leur offensive, décidée après leur échec à s’emparer de Kiev.

Alors qu’il devait prononcer une allocution télévisée la veille, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a finalement annoncé, ce 21 septembre, qu’il venait de décréter une « mobilisation partielle » en Russie.

« Je considère qu’il est nécessaire de soutenir la proposition du ministère de la Défense et de l’état-major général de mener une mobilisation partielle en Fédération de Russie », a en effet déclaré M. Poutine. Une mesure rendue nécessaire, selon lui, par la longueur de la « ligne de contact » en Ukraine, laquelle s’étend sur « plus de mille kilomètres ».

Cette mobilisation partielle concernera principalement les réservistes relevant de « certaines spécialités » ainsi que ceux ayant une « expérience du combat ». D’après le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, ce seront ainsi 300’000 rappelés qui renforceront les forces armées russes en Ukraine dans les jours à venir. Les conscrits, notamment ceux qui feront leur incorporation à compter du 1er octobre, continueront à « servir sur le territoire russe », précise l’agence Tass. Enfin, les employés de l’industrie de l’armement potentiellement mobilisables « bénéficieront d’un sursis ».

En outre, les autorités « devront résoudre immédiatement tous les problèmes de soutien matériel et financier aux entreprises de l’industrie de la défense », a affirmé M. Poutine.

Cette mobilisation « partielle » vise aussi à répondre, a soutenu le chef du Kremlin, à la « volonté de l’Ukraine de se doter de l’arme nucléaire » ainsi qu’à « l’agression de l’Occident » qui cherche « à détruire la Russie comme il a détruit l’Union soviétique ».

Pour rappel, l’Ukraine a seulement évoqué la possibilité de [re]devenir une puissance nucléaire dans le cas où son adhésion à l’Otan se révélait impossible. « Soit nous faisons partie d’une alliance comme l’Otan et nous contribuons également à rendre cette Europe plus forte, que cette Europe devienne plus sûre d’elle-même, soit nous n’avons qu’une seule option, celle de nous armer et, peut-être, envisager un statut nucléaire. Sinon, comment pourrions-nous assurer notre défense? », avait ainsi déclaré Andrij Melnyk, l’ambassadeur d’Ukraine en Allemagne, lors d’un entretien diffusé par la radio allemande Deutschlandfunk, en avril 2021.

« En temps réel, à l’aide de systèmes modernes, d’avions, de navires, de satellites, de drones stratégiques, l’Otan effectue des reconnaissances dans tout le sud de la Russie », a poursuivi M. Poutine, avant d’évoquer le « chantage nucléaire » qu’exercerait, selon lui, Kiev.

« Nous ne parlons pas seulement du bombardement de la centrale nucléaire de Zaporijjia encouragé par l’Occident, qui menace d’une catastrophe nucléaire, mais aussi des déclarations de certains hauts représentants des principaux États de l’Otan au sujet de la possibilité d’utiliser des armes de destruction massive contre la Russie », a-t-il dit, sans plus de précision.

Sur ce point, la centrale de Zaporijjia – la plus grande d’Europe – est contrôlée par les forces russes depuis mars. Elle a depuis été touchée par plusieurs frappes, dont Moscou et Kiev s’accusent mutuellement. Début septembre, l’Agence internationale de l’énergie atomique [AIEA] a réclamé, dans un rapport, l’instauration d’une « zone de sécurité » autour de ce site afin de prévenir tout incident. Le sécrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a ensuite plaidé pour un accord devant « contenir l’engagement des forces russes à retirer tout leur personnel et leur matériel militaires de ce périmètre » et « celui des forces ukrainiennes à ne pas y pénétrer ». À noter que Kiev a récemment accusé Moscou d’avoir visé la centrale de Pivdennonooukraïns, située dans le sud-ouest du pays.

La Russie a « de nombreuses armes pour répondre » aux menaces occidentales qui ont « dépassé toutes les limites », a ensuite martelé le président russe, promettant « d’utiliser tous les moyens à [sa] disposition » pour protéger « l’intégrité territoriale » et « l’indépendance » de son pays. « Ceux qui essaient de nous faire chanter avec des armes nucléaires doivent savoir que la rose des vents peut tourner dans leur direction », a-t-il averti.

Justement, s’agissant de l’intégrité territoriale de la Russie, l’annexion, plus que probable, des quatre régions actuellement contrôlées par Moscou, fera immanquablement monter les enchères… « Nous soutiendrons la décision concernant leur avenir, qui sera prise par la majorité des habitants des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, des régions de Zaporijjia et de Kherson », a assuré le président russe. Et comme il serait très surprenant que ce choix se fasse en faveur de Kiev, le sort de ces territoires semble scellé…

Or, si ceux-ci sont annexés et que l’Ukraine cherche à la récupérer, Moscou pourrait alors déclarer la mobilisation générale – la « mobilizatsiya » – et décréter la loi martiale, laquelle ne peut entrer en vigueur qu’en cas d’attaque extérieure contre le territoire russe… Même si, jusqu’à présent, le Kremlin s’est gardé de prendre de telles décisions, alors que des bases situées en Russie et en Crimée [annexée en 2014] ont été visées par les forces ukrainiennes.

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