Bientôt des chars américains pour l’armée ukrainienne?

Jusqu’à présent, seuls des chars de conception soviétique ont été livrés à l’armée ukrainienne dans le cadre de l’aide militaire fournie à Kiev par la plupart des pays membres de l’Otan. C’est ainsi que la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie ont envoyé [ou envisagent de le faire] leurs T-72 en Ukraine. Pour les forces tchèques et slovaques, ce transfert a été facilité par l’Allemagne qui, via son initiative Ringtausch, leur a proposé des Leopard 2 afin de combler un déficit capacitaire.

Cela étant, et même si l’Espagne en a eu l’intention avant de se raviser, il n’est pas question de livrer des chars de conception occidentale à l’Ukraine pour le moment. D’où l’appel, lancé au début de ce mois, par Denys Chmyhal, le Premier ministre ukrainien.

« Nous avons besoin d’un changement dans la philosophie des livraisons d’armes. Ce que je veux dire par là, c’est que des chars de combat modernes doivent également nous être livrés », a en effet déclaré M. Chmyhal, lors d’un entretien donné à la Deutschen Presse-Agentur [dpa]. Et d’ajouter : « Nous attendons des États-Unis qu’ils nous fournissent des chars Abrams et de l’Allemagne, nous attendons des Leopard 2. Ce sont les chars modernes dont l’Ukraine a besoin sur le champ de bataille ».

S’agissant des Leopard 2, le chancelier allemand, Olaf Scholz, s’y oppose fermement. L’Allemagne « ne fera pas cavalier seul sur les livraisons d’armes sans coordination avec les alliées », a-t-il en effet justifié. Et de souligner qu’aucun pays occidental n’a jusqu’à présent livré de chars à Kiev. Pour le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kuleba, il s’agit-là « d’excuses » et de « peurs abstraites ».

En attendant, dans cette affaire, M. Scholz est mis sous pression par des partenaires de la coalition gouvernementale qu’il dirige. « Une politique étrangère guidée par les droits humains » doit « constamment se demander comment nous pouvons aider à libérer encore plus de villages, et donc à sauver des vies », notamment grâce aux livraisons de chars Leopard 2, a ainsi récemment fait valoir Annalena Baerbock, la cheffe [écologiste] de la diplomatie allemande.

Cela étant, l’armée ukranienne aura-t-elle plus de chances d’obtenir des chars « modernes » auprès des États-Unis? On peut le penser, à en croire les propos d’un haut responsable de la défense américaine.

« Les chars sont absolument sur la table », a-t-il dit, selon des propos rapportés par Carla Babb, la correspondante de Voice of America [VOA] auprès du Pentagone. Les « États-Unis ont fait beaucoup d’efforts pour encourager les pays européens ayant des chars anciennement fabriqués en Russie à les fournir à l’Ukraine », a-t-il ajouté.

La déclaration de ce haut responsable du Pentagone a de quoi donner matière à spéculation… Évidemment, l’hypothèse d’une livraison de chars M1 Abrams tient le haut du panier, d’autant plus que l’US Army en aurait environ 3500 en réserve [des M1A1 et des M1A2, ndlr] et que l’US Marine Corps a décidé de se séparer des siens. La question est de savoir, au-delà de celle sur l’état dans lequel ils se trouvent, si l’armée ukrainienne aura les reins assez solides pour en assurer le Maintien en condition opérationnelle [MCO].

Une autre piste, avancée par The War Zone, repose sur le transfert de M1128 Stryker MGS [Mobile Gun System], un blindé à roues doté d’un canon de 105 mm que l’US Army est en train de retirer du service.

« L’envoi des M1128 en Ukraine pourrait faire partie d’un effort plus large du gouvernement américain visant à faciliter ou à promouvoir le transfert d’anciens chars équipés de canons de 105 mm aux normes de l’Otan vers l’Ukraine », écrit The War Zone. Ce qui pourrait peut-être ouvrir la voie au don d’AMX-10RC français à l’armée urkrainienne, ces chars légers devant être remplacés par l’Engin blinde de reconnaissance et de combat [EBRC] Jaguar. Seulement, leur taux de disponibilité pose problème, en raison notamment de difficultés pour trouver des pièces de rechange.

À noter que, en France, l’idée de livrer à l’Ukraine une cinquantaine de chars Leclerc a été avancée par Pierre Haroche, chercheur en sécurité européenne à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire [IRSEM], dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde, ce 20 septembre.

« D’un point de vue militaire, des armes lourdes comme le canon Caesar ou le char Leclerc font surtout la différence dans le combat de haute intensité. Alors qu’elles peuvent jouer un rôle crucial entre les mains des Ukrainiens, elles ne manqueraient pas cruellement aux forces françaises engagées au Sahel. […] Mieux : tant que les Russes sont tenus en échec en Ukraine, nous avons d’autant moins de risque d’avoir à les affronter directement plus près de nos frontières, ce qui nous laisse le temps de reconstituer nos stocks », plaide le chercheur. Le souci est que les lignes de production du Leclerc n’existent plus.

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