Les États-Unis lèvent totalement leurs restrictions sur les ventes d’armes à la République de Chypre

Afin de favoriser un rapprochement entre la République de Chypre et et la République turque de Chypre Nord [RTCN] tout en manageant les intérêts de la Turquie, garante de l’accès à la mer Noire via les détroits du Bosphore et des Dardanelles, les États-Unis décidèrent, en 1987, d’imposer à Nicosie un embargo sur les armes. Ce qui n’eut aucun effet… Si ce n’est celui de contraindre le gouvernement chypriote à se tourner vers d’autres partenaires pour équiper ses forces armées. Dont la France mais aussi et surtout la Russie.

D’ailleurs, l’achat par Nicosie de systèmes de défense aérienne S-300 auprès de Moscou, à la fin des années 1990, faillit mettre le feu aux poudre, Ankara ayant menacé de lancer une intervention militaire. La crise prit fin avec le transfert des équipements en question à la Grèce. Pour autant, et même après avoir rejoint l’Union européenne [UE], Chypre entretint de très bonnes relations avec la Russie, allant jusqu’à autoriser la marine russe à accéder à ses ports.

Cela étant, la présence d’importantes réserves de gaz naturel dans la zone économique exclusive de Chypre donne lieu à de nouvelles tensions avec la Turquie. Tensions de nature à déstabiliser la Méditerranée orientale.

Quoi qu’il en soit, et alors que la Turquie venait de lancer une offensive dans le nord de la Syrie contre les milices kurdes syriennes tout en confirmant son intention d’utiliser des systèmes russes de défense aérienne S400, le Sénat américain vota la levée partielle de l’embargo sur armes qui s’appliquait à Chypre depuis plus de trente ans. En outre, l’administration Trump amorça, dans le même temps, un rapprochement avec Nicosie, notamment dans le domaine militaire.

« Cela fait partie de nos efforts pour renforcer nos relations avec des partenaires régionaux clés afin de promouvoir la stabilité en Méditerranée orientale », avait expliqué Mike Pompeo, alors chef de la diplomatie américaine.

Évidemment, et même si la levée de cet embargo n’était que partielle [les technologies « sensibles » en étaient exclues, tant que la marine russe aurait un accès aux ports chypriotes], Ankara condamna la décision américaine. Elle « nuit aux efforts de réunification de Chypre, empoisonne la stabilité régionale et va à l’encontre de l’esprit d’alliance entre les États-Unis et la Turquie », fit valoir le ministère turc des Affaires étrangères.

Quoi qu’il en soit, le 16 septembre, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a levé totalement l’embargo sur les armes qui visait Chypre. Ce que n’a pas manqué de saluer Nicos Anastasiades, le président chypriote. « Il s’agit d’une décision historique, qui reflète la relation stratégique en plein essor entre les deux pays, y compris dans le domaine de la sécurité », a-t-il commenté, via les réseaux sociaux.

La décision américaine a été rendue possible par le fait que Chypre applique les sanctions prises par l’UE contre la Russie, après l’invasion de l’Ukraine… dont celle interdisant l’accès des navires russes aux ports européens.

« Avec la levée complète de l’embargo, Nicosie doit poursuivre sa coopération » avec Washington, notamment en « continuant à prendre les mesures nécessaires pour refuser aux navires militaires russes l’accès aux ports pour le ravitaillement et l’entretien », a expliqué Ned Price, le porte-parole de la diplomatie américaine.

Si les autorités chypriotes se félicitent de cette décision à Nicosie, ce n’est évidemment pas le cas de la Turquie et de la RTCN. Elle « renforcera encore l’intransigeance de la partie chypriote grecque et
affectera de manière négative les efforts pour la résolution de la question chypriote et provoquera une course à l’armement sur l’île », a ainsi réagi la diplomatie turque, avant d’appeler Washington à « reconsidérer sa décision et à mener une politique équilibrée envers les deux parties de l’île ».

De son côté, le président de la RTCN, Ersin Tatar, a prêté aux Chypriotes-grecs l’intention de se procurer des « armes d’attaque ». Et d’ajouter : « Cela dépasse le cadre de la défense […] et va faire monter les tensions ».

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