Le Parlement suisse donne son feu vert à l’achat de 36 avions F-35A pour 5,5 milliards de dollars

Le 9 septembre, la commission de gestion de la chambre basse du Parlement suisse [Conseil national] a publié les conclusions d’un rapport très attendu puisqu’il concernait la décision de Berne d’acquérir 36 chasseurs-bombardiers F-35A auprès du constructeur américain Lockheed-Martin, à l’issue d’un appel d’offres lancés dans le cadre du programme Air 2030.

Pour rappel, le Rafale de Dassault Aviation, le Typhoon du consortium Eurofighter et le F/A-18 Super Hornet de Boeing étaient en lice. Mais aucun de ces appareils ne fut en mesure de rivaliser avec le F-35A, aux dires de Viola Amherd, la cheffe du département de la défense, de la protection et des sports [DDPS]. En effet, selon elle, l’offre de Lockheed-Martin présentait le « meilleur rapport entre l’efficacité et le coût selon des critères précis », avec un coût d’achat inférieur de près de 2 milliards de francs suisses par rapport à la proposition arrivée en seconde position.

Cependant, le choix du F-35A prêta le flanc à une vive polémique, certains estimant que cet avion n’était pas celui dont la Suisse avait besoin. D’autres considérations furent avancées, comme les lacunes de cet appareil, régulièrement pointées par le bureau d’évaluation et des tests du Pentagone [DOT&E], ses coûts d’exploitation jugés trop élevés, les retards de la version Block 4 [celle que doit acheter la Suisse, nldr], laquelle réunira enfin toutes les fonctionnalités inscrites dans son cahier des charges, ou encore les questions relatives à la souveraineté et à la sécurité des données [via le système d’information logistique ODIN, dont les serveurs sont aux États-Unis, ndlr].

Aussi, en novembre 2021, la commission de gestion du National fit part de son intention « d’examiner la légalité et l’opportunité de certains aspects de la procédure d’évaluation suivie pour le choix du nouvel avion de combat de l’armée suisse » et de « déterminer si une éventuelle marge de manœuvre politique liée au pays du fabricant a été prise en considération ».

Dans les conclusions qu’elle vient de rendre, cette commission ne s’est pas attardée sur l’évaluation technique des appareils en lice, menée par Armasuisse. Cependant, estimant qu’elle a été « conforme au droit », elle a souligné que la méthode choisie, dite AHP [processus d’analyse hiérarchique], « comportait certains risques » étant donné qu’elle était « appliquée pour la première fois à un projet d’armement aussi important ». Et d’ajouter qu’elle a eu du « mal comprendre pourquoi Armasuisse a renoncé à s’appuyer autant que possible sur les expériences réalisées par d’autres pays dans lesquels les avions soumis à l’évaluation étaient déjà opérationnels ».

Mais les critiques de la commission ont surtout porté sur les « conditions-cadres » de cet appel d’offres, lesquelles ont été trop restrictives à ses yeux puisqu’elles ont empêché le Conseil fédéral [le gouvernement, ndlr] « de prendre en considération des réflexions de politique extérieure » alors que « tous les avions évalués répondaient aux exigences ».

« Le principal problème de cette procédure d’acquisition réside dans le fait que le Conseil fédéral a restreint d’emblée […] sa marge de manœuvre », a estimé la commission parlementaire. Celle-ci a par ailleurs indiqué que les résultats des évaluations, favorables au F-35, étaient connus de Mme Amherd depuis mars 2021… Mais pas de ses collègues, qui ont « continué à mener des négociations avec des pays constructeurs pour trouver des solutions dans d’autres dossiers liés au choix de l’avion jusqu’à peu avant la décision finale ».

De telles critiques auraient pu donner du grain à moudre aux à la coalition des opposants au choix du F-35. D’autant plus que ceux-ci ont fini par récolter les 100’000 signatures nécessaires pour organiser une votation populaire… Mais, a priori, ils se sont donné du mal pour rien. En effet, étant donné que l’offre de Lockheed-Martin est valable jusqu’au 31 mars 2023, le Conseil fédéral a expliqué qu’il serait impossible de solliciter les électeurs avant cette échéance. « Un retard dans l’acquisition aurait de graves conséquences en matière de politique de sécurité » et « dès 2030, la population ne serait plus protégée contre les menaces et les dangers aériens », a-t-il fait valoir.

Et cette décision vient d’être validée, ce 15 septembre, par le Conseil national. En effet, et après le Conseil des États, en juin, celui-ci a donné son feu vert à la signature du contrat, par 128 voix contre 67.

« Le F-35A américain est le bon avion pour la Suisse. […] C’est l’avion le moins cher, le meilleur du point de vue technologique », a fait valoir Jacqueline de Quattro, élue du Parti libéral-radical [PLR] lors débat. C’est un appareil « toujours en cours de développement », qui « n’a pas reçu l’autorisation de production en série » et dont les États-Unis ont l’intention de changer son moteur », a rétorqué Pierre-Alain Fridez [PS].

Par ailleurs, si Mme Amherd a eu gain de cause sur le F-35, elle a en revanche dû s’incliner dans un autre dossier : celui du retrait des F-5 Tiger II. Alors qu’elle plaidait pour les mettre au rebut, 104 députés ont voté pour leur maintien… Ce qui permettra à la Patrouille suisse de continuer à les utiliser.

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