Aux coopérations européennes incertaines, le chef de la Bundeswehr préfère des matériels déjà disponibles

Les coopérations lancées en 2017 par la France et l’Allemagne ont dû mal à avancer, quand elles n’ont pas connu un coup d’arrêt. Ainsi, le Système de combat aérien du futur [SCAF], rejoint par l’Espagne, est suspendu à un accord entre Dassault Aviation et les filiales allemande et espagnoles d’Airbus au sujet de l’avion de combat de nouvelle génération [NGF – New Generation Fighter], dont la maîtrise d’oeuvre a été confiée au constructeur du Rafale. Même chose, dans l’armement terrestre, pour le Main Ground Combat System [MGCS – char de combat du futur], objet d’une mésentente entre Nexter et Rheinmetall, qui, pourtant, ne devait pas y participer au départ.

Autre programme, le Maritime Airborne Warfare System [MAWS], censé permettre le renouvellement des avions de patrouille maritime français [Atlantique 2] et allemand [P-3C Orion] est désormais incertain, compte-tenu de la décision de Berlin d’acquérir, dans un premier temps, cinq P-8A Poseidon auprès de Boeing. Quant au développement du standard Mk3 de l’hélicoptère d’attaque Tigre, l’Allemagne a finalement décidé de ne pas s’y impliquer.

Alors que, le 30 août, lors d’un discours prononcé à Prague, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a plaidé pour faire de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr] le « noyau dur d’une Europe de la défense et de l’armement communs », le chef d’état-major de la Bundeswehr [forces armées fédérales allemandes], le général Eberhard Zorn, n’y est pas allé par quatre chemins, devant le DGAP [Conseil allemand des relations étrangères, ndlr], le 12 septembre.

« Je veux des matériels qui volent, qui roulent et qui sont disponibles sur le marché. Pas de développement de solutions européennes qui, au final, ne marchent pas. Je ne citerai pas d’exemples ici. Ce serait presque du dénigrement des entreprises », a-t-il lancé. Pour la presse d’outre-Rhin, le général Zorn avait probablement le SCAF, voire le MGCS, dans le collimateur.

Même s’il a souligné l’avantage qu’il peut y avoir à acquérir de l’équipement américain au niveau de la logistique dans le cadre de l’Otan [comme pour le F-35A, ndlr], le général Zorn a aussi laissé – sans doute – un indice sur les intentions de la Bundeswehr au sujet du remplacement de ses chars Leopard 2, Rheinemetall mettant en avant le KF-51 « Panther », présenté comme étant une alternative au MGCS.

Quoi qu’il en soit, également invitée par le DGAP, la ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, a dit vouloir faire de la Bundeswehr une « institution centrale » étant donné que l’Allemagne doit être prête à assumer un nouveau rôle militaire, afin de renforcer le pôle européen de l’Otan.

« La taille de l’Allemagne, sa position géographique et son poids économique font de nous une puissance de premier plan, que nous le voulions ou non. C’est également le cas pour ce qui est du rôle militaire. Si nous voulons vivre en paix et en liberté à l’avenir, nous devons changer de cap maintenant », a expliqué Mme Lambrecht. Cet aspect doit être développé dans une « stratégie de sécurité nationale », qui sera publiée d’ici la fin de cette année.

Mais en attendant, la ministre a indiqué que la Bundeswehr devrait avoir les moyens de déployer trois divisions, fortes chacune de trois brigades et d’unités complémentaires, d’ici 2030. Soit l’équivalent de 45’000 soldats.

Cela étant, Mme Lambrecht a évoqué les coopérations européennes… Mais surtout sous l’angle des « achats ». « Pour pouvoir mieux acheter ensemble, nous avons besoin d’agences d’achat européennes communes », a-t-elle dit, en citant l’Agence européenne de défense [AED] et l’OCCAr.

Cependant, la ministre allemand n’a pas oublié de parler des « projets multilatéraux » qui « ne sont pas toujours faciles à réaliser ». Et d’estimer qu’ils sont nécessaires « quand on veut en avoir plus pour notre argent » et « si nous voulons être interopérables » tout en « évitant les doublons coûteux et les structures parallèles ».

Sans citer de programme en particulier, Mme Lambrecht a expliqué que l’Allemagne « compliquait » de telles coopérations « en insistant sur des règles strictes pour l’exportation d’armement ». Et de demander : « quel partenaire voudrait investir avec nous dans des projets s’il doit toujours craindre que nous empêchions les exportations et rendions ainsi le refinancement plus difficile? ». Aussi a-t-elle plaidé pour un assouplissement de la position allemande sur ce sujet.

Théoriquement, cette question ne se pose pas pour les programmes menés en coopération avec la France, déjà régis par les accords Debré-Schmidt de 1972. En effet, en octobre 2019, et conformément au Traité d’Aix-la-Chapelle, Paris et Berlin trouvèrent un nouvel accord sur les exportations d’armement. Et selon l’Élysée, il était censé garantir le « succès de projets communs comme le char et l’avion du futur [l’accord de l’autre pays pour exporter ces équipements sera donné automatiquement] ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]