La Turquie parle à nouveau de se tourner vers la Russie si elle n’obtient pas de F-16 « Viper »

Partenaire stratégique de l’Ukraine, à qui elle fournit les fameux drones tactiques Bayraktar TB2, la Turquie a décidé, en mars, d’interdire l’accès des navires militaires à la mer Noire via les détroits du Bosphore des Dardanelles, comme l’y autorise la Convention de Montreux de 1936. Cependant, et contrairement à ses partenaires de l’Otan, elle n’a pas pris de sanctions à l’égard de Moscou pour des considerations économiques et énergétiques, la Russie lui fournissant 56% de ses importations de céréales et près de la moitié de son approvisionnement en gaz naturel.

Cela étant, et malgré des désaccords profonds dans plusieurs dossiers [comme ceux de la Libye et de la Syrie, où l’une et l’autre soutiennent des camps opposés, ndlr], la Turquie a également intensifié sa coopération militaire avec la Russie… Ce qui s’est traduit par la livraison de systèmes de défense aérienne russes S-400 au forces turques, Ankara ayant fait fi des avertissements de l’Otan et des États-Unis.

Conséquence : pour avoir mis en service les batteries S-400 qui lui ont livrées, la Turquie a été exclue par l’administration Trump du programme d’avion de combat F-35, dans le cadre duquel elle avait commandé 100 exemplaires. Sauf que cette décision risque de « fossiliser » l’aviation de combat turque, à l’image de ce qu’a connu la force aérienne iranienne après la révolution islamique de 1979. Aussi, Ankara s’attache désormais à obtenir des F-16 de dernière génération [la version « Viper »], dont 40 avions neufs et 80 kits de modernisation pour d’anciens F-16.

Après avoir levé son veto sur l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan [deux pays qu’il a accusé de faire preuve de mansuétude à l’égard des militants du Parti des travailleurs du Kurdistan et de ceux du Fetö, l’organisation du prédicateur Fethullah Gülen], le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a reçu la promesse de son homologue américain, Joe Biden, que celui-ci ferait son possible pour la Turquie puisse acquérir des F-16 Viper. « J’ai besoin de l’approbation du Congrès pour faire cela et je pense que je peux l’obtenir », avait assuré le locataire de la Maison Blanche.

Seulement, au Congrès, des élus ont fait voter un texte exigeant de la part de l’administration Biden de prouver que cette vente de F-16 à la Turquie était « absolument essentielle » à la sécurité des États-Unis et de donner le détail des mesures visant à s’assurer que ces appareils ne seraient pas utilisés pour « porter atteinte à la souveraineté d’un autre membre de l’Otan », savoir la Grèce.

Quoi qu’il en soit, le 15 août, une délégation turque s’est rendue à Washington pour négocier l’achat de F-16 Viper… soit quelques jours après que MM. Erdogan et Poutine [le président russe, ndlr] ont trouvé un accord visant à renforcer la coopération économique et énergétique entre leurs deux pays. En outre, au même moment, le chef du Service fédéral russe de coopération militaro-technique [FSVTS], Dmitri Chougaiev, a affirmé qu’Ankara venait de signer un contrat pour la livraison d’un second lot de systèmes S-400…

Apparemment, les discussions sur les F-16 Viper n’a pas donné les résultats qu’espérait M. Erdogan… Depuis, celui-ci a durci son discours à l’égard de la Grèce, allant jusqu’à évoquer une intervention militaire dans une référence à l’affaire d’Izmir/Smyrne…

Lors d’un déplacement dans les Balkans, le président turc a déclaré que « l’Europe récolte ce qu’elle a semé » en évoquant la question de l’énergie. « L’attitude des Européens à l’égard de Vladimir Poutine et les sanctions les ont conduit, qu’on le veuille ou non, à dire : ‘Si vous faites comme cela, je ferai ceci' ». Plus tard, il accusé les pays occidentaux de mener une « politique de provocation » envers la Russie, avant de vanter la « politique d’équilibre » d’Ankara entre Kiev et Moscou.

Et, ce 9 septembre, M. Erdogan, dont le parti, l’AKP, est en perte de vitesse à quelques mois des prochaines élections législatives, a renoué avec une menace déjà brandie au cours de ces dernières années.

« Les États-Unis ne sont pas les seuls à vendre des avions de combat. Le Royaume-Uni, la France et la Russie en vendent également », a lancé M. Erdogan devant la presse. « Il est possible de s’en procurer ailleurs et certains nous envoient des signaux », a-t-il ajouté.

Étant donné la proximité de la France avec la Grèce [les deux pays sont liés par un accord de défense mutuelle], l’achat de Rafale par la Turquie paraît bien improbable. En revanche, une commande d’Eurofighter Typhoon auprès du Royaume-Uni [qui pourrait aussi donner un coup de pouce pour le projet d’avion de combat turc, le TF-X] paraît d’autant plus crédible qu’elle a été évoquée officieusement par un journal proche du pouvoir turc.

Mais c’est surtout la Russie qui a sans doute envoyé le plus de « signaux » à la Turquie au cours de ces dernières années. Signaux qui ont même été accueillis favorablement à Ankara… M. Erdogan s’étant même dit ouvert à une éventuelle coopération concernant le Su-35, voire le Su-57, l’avion supposé de 5e génération russe.

En octobre 2019, le quotidien Daily Sabah [pro-gouvernemental] avait même révélé qu’un accord était sur le point d’être signé pour la livraison de 36 Su-35 Flanker-E. Ce qui ne s’est pas vérifié par la suite. Pas encore, du moins.

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