M. Lecornu met en garde les industriels de l’armement contre les risques de sabotage et d’espionnage

Au début du mois d’août, deux entreprises de la Base industrielle et technologique de défense [BITD] française ont été victimes d’incidents à quelques heures d’intervalle. La poudrerie de Bergerac, filiale d’Eurenco, a été touchée par trois explosions juste après un phénomène de « flash lumineux », lors d’un « chantier d’assemblage de tuyauterie ». Puis, plus tard, un violent incendie s’est déclaré dans une usine de Safran Landing Systems implantée à Molsheim [Bas-Rhin] endommageant partiellement le bâtiment le plus sensible du site.

Dans le même temps, un entrepôt de munitions appartenant à l’homme d’affaires bulgare Emilan Gebrev [en indélicatesse avec le Kremlin pour fourni des armes à l’Ukraine] a été ravagé par les flammes, de même qu’un dépôt d’armes de la police allemande à Berlin. Évidemment, au regard du contexte actuel, il serait tentant d’y voir le résultat d’actions malveillantes… Mais tant que les enquêtes sur ces incidents ne sont pas terminées, on ne peut que parler de coïncidences.

Pour autant, le risque de sabotage de sites militaires ou d’entreprises de la BITD n’est pas à écarter. Et, a priori, des tentatives auraient même été récemment déjouées. C’est ce qu’a suggéré Sébastien Lecornu, à l’issue du séminaire sur l’économie de guerre qui s’est tenu à Balard, le 7 septembre.

« Il est important d’établir cette vérité vis-à-vis de notre opinion publique. J’ai sensibilisé nos industriels de défense aux risques d’espionnage et de sabotage » qui relèvent de « pratiques de la Guerre Froide que nous croyions terminées », a commencé par dire M. Lecornu.

L’espionnage industriel n’a pas disparu avec la chute du Mur de Berlin. En réalité, cette pratique a toujours existé… Et elle s’est même intensifiée au cours de ces dernières années étant donné qu’il est plus facile, désormais, de voler de secrets industriels et commerciaux via des attaques informatiques.

En 2021, sur les 17 intervention de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informations [ANSSI], 14 étaient liées à des opérations d’espionnage informatique, impliquant pour 9 d’entre elles des modes opératoires réputés chinois.

En juillet, lors d’une audition parlementaire, le Secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale [SGDSN], Stéphane Bouillon a mis en garde contre un espionnage industriel aux procédés plus « classiques ». « Cela va du stagiaire qui traîne après la fermeture des bureaux pour copier des dossiers, à la visite d’une délégation étrangère qui oublie des petits objets sous la table ou prend des photos », a-t-il expliqué. « Si les très grandes entreprises y sont sensibilisées, en revanche, les petites et moyennes, qui sont parfois des pépites sans le savoir, sont d’une grande vulnérabilité », a-t-il ajouté.

Cela étant, M. Lecornu a surtout insisté sur le risque de sabotage contre les chaînes de production des industriels français de l’armement, avec de « potentiels effets dramatiques ».

« Nous constatons et nous surveillons un certain nombre d’agissements. Je n’irai pas plus loin parce que cela est couvert par le secret », a dit le ministre.

« Là aussi, il faut que les industriels de défense, en lien avec la DGA [Direction générale de l’armement], la DRSD [Direction du renseignement et de la sécurité de défense] et la DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure], sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, puissent avoir un plan de résilience pour éviter toute tentative malveillante, voire de sabotage, sur des matériels indispensables », a continué M. Lecornu.

En attendant, il a demandé aux industriels de « dupliquer » un « certain nombre de logiciels pour le cyber » ainsi que des machines indispensables à la fabrication de composants clés. « Il n’y a parfois qu’un robot de production pour certaines pièces », a-t-il en effet relevé.

Photo : DRSD

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