En quête d’autres partenaires, le Burkina Faso va renforcer sa coopération militaire avec le Mali

Le Mali et le Burkina Faso ont plusieurs points communs : autrefois partenaires au sein du G5 Sahel [que Bamako a fini par quitter en mai dernier, ndlr], ces deux pays sont confrontés à d’importants défis sécuritaires liés à la présence de groupes jihadistes sur leur sol et ils intéressent l’un et l’autre la Russie tandis qu’un sentiment anti-Français s’y exprime ouvertement… Et ils ont chacun vécu un putsch : le colonel malien Assimi Goïta a pris le pouvoir en deux temps [en août 2020 puis en mai 2021] et le président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, a été renversé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba en janvier 2022.

À ce propos, lors d’une audition au Sénat, organisée en février mais dont le compte-rendu n’a été publié que très récemment, l’ex-ministre des Armées, Florence Parly, avait donné la raison pour laquelle le renseignement français ne fut pas en mesure d’anticiper le putsch au Mali. « Cela tient moins aux moyens de nos services qu’aux précautions infinies prises par les organisateurs de ce coup d’État », avait-elle dit.

En revanche, s’agissant du Burkina Faso, le putsch « n’a pas été une surprise pour nos services de renseignement car on sentait la tension augmenter », avait confié Mme Parly aux sénateurs. Et d’ajouter : « Je le dis avec d’autant plus de regrets que nous avions fait des propositions au président Kaboré pour lutter contre le terrorisme, qu’il n’a acceptées que quelques jours avant sa chute – quelques jours pendant lesquels nous avons pu mener des opérations très efficaces. Quant à savoir si cela aurait pu changer le cours des choses… »

Toujours au cours de cette audition, l’ex-ministre des Armées avait souligné que le nouvel homme fort du Burkina Faso souhaitait « maintenir la relation partenariale de combat » avec les forces françaises. Mais « celle-ci dépendra […] de la définition d’un calendrier politique de retour vers la démocratie », avait-elle prévenu.

Depuis, la force Barkhane a terminé son retrait du Mali, où la Russie accroît son influence, via la présence du groupe paramilitaire Wagner et la livraison d’équipements militaires… Et, au Burkina Faso, les autorités de transition ont assurer qu’elles remettraient leur pouvoir aux civils d’ici deux ans, un « Conseil d’orientation et de suivi de la transition » ayant récemment été installé à cette fin. Quant aux défis sécuritaires, ils demeurent…

C’est donc dans ce contexte que, pour son premier déplacement à l’étranger, le lieutenant-colonel Damiba s’est rendu à Bamako, le 4 septembre, pour rencontrer le colonel Goïta. À cette occasion, le Mali et le Burkina Faso ont dit vouloir, sans donner plus de détails, « renforcer leur partenariat militaire ».

« Nous entendons, dans les jours à venir, mieux examiner et renforcer le partenariat militaire qui existe entre nous, pour davantage relever les défis sécuritaires auxquels les populations, nos peuples sont confrontés », a en effet indiqué la présidence burkinabè, via un communiqué. Et cela alors que, fin août, joignant sa voix à celle du Niger, le Burkina Faso avait appelé le Mali à « revenir assumer ses responsabilités » au sein du G5 Sahel.

Cela étant, en avril, le chef du gouvernement burkinabè de transition, Albert Ouédraogo, avait déclaré que Ouagadougou devait « diversifier » ses partenariats militaires. Fin août, il a expliqué que cette « diversification » devait reposer « sur plusieurs principes ».

« D’abord le principe de liberté. Pour nous c’est aller vers le partenaire qui nous arrange, quitte à froisser des partenaires historiques. Si certains partenaires ne sont pas contents du fait que nous allons avec d’autres, ça sera à notre corps défendant que nous allions rompre notre partenariat avec eux. Il faudra que ça soit des partenaires sincères qui veulent effectivement nous aider pour aller dans une logique de partenariat gagnant-gagnant », a ensuite détaillé M. Ouédraogo, dans un entretien diffusé par la télévision publique.

Et la France est l’un de ces « partenaires historiques »… « Si, depuis des années, cette coopération [avec la France, nldr] n’a pas permis d’assainir l’aide, il faut se poser des questions. Et je suis tout à fait d’accord, qu’aujourd’hui, il faut la revoir. Nous, en tant que dirigeants, nous ne pouvons pas continuer à rester sourds à ces revendications de composantes importantes de notre peuple », a-t-il expliqué, en faisant allusion à certaines organisations burkinabè qui appellent régulièrement Ouagadougou à se tourner vers la Russie [voire la Chine] pour obtenir une aide militaire contre les groupes terroristes.

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