La Turquie interdit à l’ex-porte-avions Foch d’entrer dans ses eaux territoriales

Désarmé le 1er octobre 1997, le porte-avions Clemenceau devait être initialement démantelé par l’entreprise Gijonesa des Desguaces à Gijòn [Espagne]… qui décida par la suite de sous-traiter ce chantier en Turquie. Ce qui incita les autorités françaises à récupérer la coque du navire [alors désigné Q-790] et de dénoncer le contrat qu’elles avaient attribué à la société espagnole.

Puis, à l’issue d’une nouvelle procédure, le démantèlement de l’ex-Clemenceau fut confié au consortium Ship Decomissioning Industries Corporation [SDI], qui sollicita un chantier naval indien. Seulement, en raison de la présence d’une grande quantité d’amiante à son bord, plusieurs associations écologistes menèrent une campagne médiatique et juridique pour s’opposer à son tranfert vers l’Inde… alors qu’elles ne pipèrent mot pour d’autres navires de guerre appelés à subir le même sort… Quoi qu’il en soit, l’ex-porte-avions de la Marine nationale dut faire demi-tour, le gouvernement indien ayant refusé de l’accueillir.

« L’affaire du Clemenceau est emblématique à cet égard. Les Américains viennent de désamianter un porte-avions et de le couler à Pearl Harbor, mais aucune ONG n’a émis la moindre critique. Sur le chantier où devait être démantelé le Clemenceau, un très gros vaisseau de transport de troupes britannique, le Sir Galahad, amianté comme tous les bâtiments de guerre, est en train d’être découpé mais les militants de Greenpeace n’ont pas protesté lorsqu’il est passé par le canal de Suez », avait ainsi résumé Alain Juillet, haut responsable chargé de l’intelligence économique, devant les députés, en février 2006.

L’ex-Clemenceau revint donc à Brest [sans passer par le Canal de Suez, l’Égypte ayant interdit son passage]. Finalement, son démantèlement fut confié, après un nouvel appel d’offres, à l’entrprise britannique Able Uk, qui le prit en charge en 2009.

L’ancien porte-avions « Foch », vendu pour 12 millions d’euros au Brésil, qui l’a rebaptisé « Sao Paulo », va-t-il connaître un sort identique à celui du « Clemenceau »? En tout, ça en prend le chemin… En 2017, estimant les coûts de sons entretien et de sa modernisation trop élevés au regard de son âge, la Marinha do Brasil décida de le retirer du service.

Alors que d’anciens marins voulurent en faire un musée naval, le ministère brésilien de la Défense mis la coque de l’ex-Foch aux enchères en vue de sa déconstruction. Et, en 2021, l’entreprise Cormack Maritima, agissant pour le compte du chantier naval turc SÖK Denizcilik, établi à Izmir, remporta la mise pour 1,6 million d’euros. Il ne restait plus donc qu’à organiser son transfert vers la Turquie. Transfert auquel s’opposèrent des associations de défense de l’environnement et des syndicats turcs…

Quoi qu’il en soit, celui-ci est en cours depuis le 4 août, l’ancien porte-avions étant tracté par le remorqueur néerlandais Alp Centre vers le chantier naval d’Izmir. Fin de l’histoire? Pas vraiment… En effet, ce 27 août, le ministère turc de l’Environnement a annoncé que la coque du navire n’était pas la bienvenue dans les eaux territoriales de la Turquie.

« Nous avons toujours fait ce qui est exigé par le droit international, au sujet de chaque navire venu dans notre pays pour des opérations de démantèlement. Nous n’avons permis aucune mesure qui nuirait à notre environnement et à notre peuple. Que notre nation repose en paix », a ainsi déclaré Murat Kurum, le ministre turc de l’Environnement. Et de justifier cette décision par le fait que les autorités brésiliennes n’ont pas fourni « l’inventaire des substances dangereuses » supposées se trouver à bord de l’ancien porte-avions, comme le prévoit la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination.

L’annonce des autorités turques a été faite alors que la coque de l’ex-Foch/Sao Paulo se trouve à proximité du détroit de Gibraltar… Et il reste deux possibilités : soit Brasilia communique à Ankara les documents demandés, soit l’Alp Centre fait demi-tour avec sa remorque… Et une nouvelle procédure devra être lancée. Pour rappel, l’accord de cession du Foch contenait une clause précisant que son démantèlement futur devait se faire d’une « manière sûre et respectueuse de l’environnement dans des installatons agréées par l’Union européenne ». Une autre stipule qu’il ne peut être revendu à qui que ce soit sans l’autorisation de la France.

Cela étant, certains ont dit avoir quelques idées pour recycler l’ex-porte-avions. Ainsi, l’ex-chef d’état-major de la marine turquie, l’amiral Mustafa Cihat Yaycin a proposé d’en faire un centre formation militaire… Ce qui n’a aucune chance d’aboutir. Et un homme d’affaires allemand, Udo Stern, a le projet de le transformer en « luxueux complexe hôtelier off shore », dans les eaux de la mer Noire.

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