L’hypothèse d’un achat de chasseurs-bombardiers F-35A prend de la consistance en Espagne

En juin, afin de remplacer les F/A-18 Hornet de la 46e Escadre de l’Ejército del Aire, basée à Las Palmas [Îles Canaries], le gouvernement espagnol a officialisé la commande de 20 avions de combat Eurogfighter EF-2000 supplémentaires pour 2,04 milliards d’euros. Et cela, alors que la rumeur prêtait à Madrid l’intention d’acquérir une vingtaine de chasseurs-bombardiers F-35A auprès du constructeur américain Lockheed-Martin. Rumeur qui fut d’ailleurs démentie par Madrid, en novembre 2021.

« L’Espagne n’a pas l’intention d’acheter d’avions de combat F-35 aux États-Unis et reste attachée au programme européen SCAF [Système de combat aérien du futur] » et le « gouvernement espagnol n’a pas de budget pour s’engager dans un autre projet d’avion en plus de celui qui est déjà en cours », avait en effet soutenu une porte-parole du ministère espagnol de la Défense auprès de l’agence Reuters. « Nous excluons d’entrer dans le projet F-35. Notre engagement d’investissement est dans le SCAF », avait-elle insisté.

Seulement, Dassault Aviation [maître d’oeuvre] et Airbus [avec ses fililale allemande et espagnole] n’ayant toujours trouvé un accord sur leur coopération en vue de développer l’avion de nouvelle génération [NGF – New Generation Fighter] sur lequel il doit reposer, le programme SCAF est bloqué depuis maintenant plus d’un an. Et nul ne sait quand il pourra repartir de l’avant, chaque partie campant sur ses positions.

D’ailleurs, dans un rapport sur les programmes d’armement en cours qu’il récemment publié, le ministère allemand de la Défense a clairement évoqué une « remise en question de la poursuite de coopération » au sein du SCAF. En France, on parle de plus en plus la perspective d’un échec, comme l’a fait Joël Barre devant les députés, quelques jours avant de quitter ses fonctions de Délégué général pour l’armement.

Quoi qu’il en soit, le programme prend du retard. Alors qu’il était question de mettre en service le SCAF à l’horizon 2040 au plus tard, il est très vraisemblable que cette échéance ne sera pas tenue. En tout cas, Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, ne se fait guère d’illusion.

« Entre nous, 2040, c’est déjà perdu car comme on ne démarre pas, et que surement les discussions seront longues, non pas pour cette phase-là mais pour celle à venir, ça prendra un peu de temps. Pour 2040, il y aura surement un premier standard ‘peut-être sous réserve de…’ donc on est parti plutôt sur les années 2050 », a-t-il en effet affirmé lors du « Paris Air Forum », en juin.

Or, pour l’Ejército del Aire, cet horizon est beaucoup trop éloigné, les F/A-18 Hornet de ses 12e et 15e Escadre devant être remplacés bien avant 2050. Or, pour cela, elle ne pourra donc pas compter sur l’avion de combat de 6e génération développé dans le cadre du SCAF. D’où le débat en cours, dont le quotidien El Pais s’est fait l’écho, le 22 août.

Ainsi, rapporte le journal, les responsables de l’Ejército del Aire « n’ont aucun doute : le F-35, un avion de cinquième génération produit par Lockheed-Martin, est leur préféré ». Cependant, poursuit-il, « l’acheter est une décision controversée : cela reviendrait à revenir quatre décennies en arrière et à donner à l’industrie américaine, et non à l’Europe, une commande […] d’une valeur de plus de 10 milliards d’euros ».

Une solution serait de passer une nouvelle commande d’avions EF-2000 portés au standard LTE [Long Term Evolution], dont le développement a été lancé en 2019, à l’occasion du salon du Bourget. Cette version doit intégrer des éléments du futurs SCAF.

Mais d’après El Pais, cette solution ne serait pas totalement satisfaisante pour les chefs de la force aérienne espagnole pour au moins deux raisons : disposer d’une flotte uniforme d’avions expose au risque de se retrouver temporairement sans avion de combat en cas de problèmes techniques exigeant son immobilisation et un EF-2000 modernisé, même au standard LTE, ne serait pas au niveau du F-35A.

« Pour l’Ejército del Aire, cela ne fait aucun doute : la meilleure option est le F-35 Lightning II. Avec un coût similaire à celui de l’Eurofighter, il offre des performances bien supérieures », rapporte le journal espagnol.

En outre, si elle veut conserver une aviation embarquée, la marine espagnole n’aura pas le choix : elle devra se procurer des F-35B [la version à décollage court et à atterrissage vertical de l’avion de Lockheed-Martin, ndlr] pour remplacer ses AV-8 Harrier II, qui arriveront très prochainement au bout de leur potentiel.

Quoi qu’il en soit, l’industrie aérospatiale espagnole n’est pas favorable à un éventuel achat de F-35A par Madrid… étant donné qu’elle n’en profiterait que très marginalement. Aussi, l’une des pistes évoquées est de remplacer les F/A-18 Hornet par des F-35A et des EF-2000 LTE. Cela permettrait à l’Ejército del Aire de disposer d’une unité dotée d’avions de cinquième génération, capable d’opérer au plus haut niveau avec les pays alliés [de l’Otan] et d’assurer une supériorité dissuasive sur ses voisins du sud », ont résumé des sources militaires auprès d’El Pais.

Photo : F-35A – Ministère néerlandais de la Défense

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