La Turquie a-t-elle commandé un nouveau lot de systèmes russes de défense aérienne S-400?

Le 16 août, alors qu’une délégation turque se trouvait à Washington pour négocier l’achat de chasseurs-bombardiers F-16 « Viper », le chef du Service fédéral russe de coopération militaro-technique [FSVTS], Dmitri Chougaiev, a affirmé qu’Ankara venait de signer un contrat portant sur la livraison d’un second lot de systèmes de défense aérienne S-400 « Triumph ».

« Un accord correspondant a déjà été signé. Il permettra notamment de localiser la production de certains composants du système [S-400] », a en effet confié le responsable russe à l’agence TASS, en marge du forum international Armée-2022.

Évidemment, comme l’achat d’un premier lot de S-400 à la Russie avait valu à la Turquie d’être exclue du programme « Joint Strike Fighter » [JSF/F-35], au titre duquel elle avait commandé 100 appareils, et de subir les rigueur de la loi américaine dite CAATSA [Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act] qui prévoit des sanctions en cas de liens commerciaux avec l’industrie russe de l’armement, l’annonce de M. Chougaiev ne pouvait que tomber au plus mauvais moment…

D’ailleurs, un responsables turc a immédiatement démenti les propos du patron du FSVTS. « Le contrat initial qui a été signé avec la Russie pour l’achat de S400 comprenait déjà deux lots. L’achat d’un deuxième lot était inclus dans le plan initial et le contrat connexe », a-t-il dit à l’agence Reuters.

Et d’insister : « Les discussions techniques sur la livraison du deuxième lot sont en cours. Et elles incluent, sans s’y limiter, la participation de l’industrie turque dans la production de ce systèmes. Par conséquent, il n’y a pas de développements concrets dignes d’être signalés. Le processus est en cours et il n’y a pas de nouveaux accords ».

Pour rappel, la Turquie a commandé à la Russie deux systèmes S-400 « Triumph » [code Otan : SA-21 Growler] en septembre 2017, devenant ainsi le premier pays de l’Otan à se doter de tels équipements. Et il était question d’un achat de deux systèmes supplémentaires devant être assemblés par l’industrie turque.

Un système S-400 se compose notamment d’un poste de commandement et de contrôle mobile 55K6E, d’une station combinant plusieurs types de radars mobiles [haute altitude, multifonctions, basse altitude] et d’un maximum de 12 véhicules de lancement dotés chacun de quatre missiles intercepteurs.

Les premiers S-400 commandés par Ankara lui ont été livrés en 2019. Depuis, et après leur évaluation technico-opératonnelle, ils ont été mis en service au sein de deux unités, à savoir les 15e et 20e bases de missiles [Füze Üs Komutanlığı].

Depuis, Ankara évoque régulièrement la commande d’un second lot de S-400. Comme encore en avril dernier. Ainsi, malgré l’invasion de l’Ukraine – dont la Turquie est proche – par la Russie, Ismaïl Demir, le responsables de l’industrie de défense turque [SSB] a confirmé les intentions de son pays. « Nous aurions déjà pu prendre livraison de la deuxième tranche, mais certains paramètres du projet impliquent une coopération technologique et des conditions de coproduction », a-t-il dit, sans plus de précision. « Parce que ce type de négociation prend du temps, la [livraison] du système s’étire elle aussi », a-t-il ensuite justifié.

Quoi qu’il en soit, les informations de l’agence TASS sur cet accord présumé ont donné lieu à une réaction mesurée de la part de l’administration américaine, le président Biden étant visiblement favorable à une amélioration des relations avec Ankara.

« Le point que nous avons constamment fait valoir dans tous les domaines est que la guerre brutale et injustifiée de la Russie contre l’Ukraine rend vital, maintenant plus que jamais à certains égards, que tous les pays évitent les transactions avec le secteur de la défense russe », a commenté Ned Price, le porte-parole de la diplomatie américaine.

« Nous devrons attendre et voir ce qui se passera, mais nous ne sommes au courant d’aucun nouveau développement à ce sujet », a-t-il ajouté, se refusant à dire si l’adminitration Biden reverrait sa position sur l’achat de F-16V par la Turquie en cas d’une nouvelle commande de S-400.

En attendant, et si le Sénat confirme les dispositons adoptées par la Chambre des représentants dans le projet de loi sur l’autorisation de la défense nationale [National Defense Authorization Act – NDAA] pour l’année 2023, la commande turque de F-16V risque fort d’être compromise… à moins qu’il soit démontré que cette vente est « absolument essentielle » à la sécurité nationale des États-Unis et que les appareils en question ne soient pas utilisés pour « porter atteinte à la souveraineté d’un autre membre de l’Otan ».

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