Suisse : Les opposants au F-35 ont collecté assez de signatures pour espérer un vote

Devant permettre l’achat de 30 à 40 nouveaux avions de combat afin de remplacer les F/A-18 Hornet et les F-5 Tiger II de la force aérienne suisse, le programme Air 2030 avait bien failli passer à la trappe, son financement n’ayant été approuvé que par 50,1% des électeurs lors d’une votation organisée en septembre 2020, à l’initiative du Groupe pour une Suisse sans armée [GSsA]. Et cela alors que les sondages donnaient une confortable avance au camp du « oui ».

Dix mois plus tard, le Conseil fédéral suisse fit part de son intention d’acquérir auprès du constructeur américain Lockheed-Martin 36 chasseurs-bombardiers « furtifs » F-35A Block 4 [une version qui n’est pas encore opérationnelle et dont le développement a pris du retard en plus de générer des surcoûts, ndlr] pour un montant de 5,07 milliards de francs suisses. Et cela, aux dépens du Rafale de Dassault Aviation [donné favori], de l’Eurofighter Typhoon et du F/A-18 Super Hornet de Boeing.

Ce choix étonna plus d’un expert aéronautique… Cela étant, lors de la conférence de presse qu’elle donna à l’époque, la ministre suisse de la Défense, Viola Amherd, fit valoir que le F-35A présentait le « meilleur rapport coût/bénéfice », avec des notes « largement supérieures » à celles obtenues par ses trois concurrents.

Cependant, les opposants à l’achat d’avions de combat ne tardèrent pas à donner de la voix. Et, quelques semaines plus tard, le comité « Allianz gegen den F-35 » [Alliance contre le F-35], réunissant le GsSA et des partis de la gauche suisse, lança une campagne pour obtenir au moins 100’000 signatures afin de déposer une initiative auprès de la Chancellerie fédéral en vue d’organiser un vote sur la commande de ces 36 F-35A.

Pour cela, ce comité mit en ligne un site Internet [stop-f35.ch], pour lequel il ne fallait pas se tromper d’adresse, stopf35.ch renvoyant vers le site swiss-f35.ch, favorable à l’achat de l’aviation américain. Quoi qu’il en soit, un an plus tard, plus de 120’000 signatures ont été collectées, dont 103’000 authentifiées.

« Malgré les conditions de récolte difficiles pendant la pandémie de covid et les interférences de la ministre de la défense Viola Amherd dans le processus depuis le début de la guerre en Ukraine, nous avons récolté les signatures nécessaires en un temps remarquablement court », a fait valoir Pauline Schneider, la secrétaire du GSsA.

Probablement que certaines révélations de la presse ont favorisé cette collecte… comme celles faites en janvier par le magazine Republik, récemment confirmées par la SRF [Schweizer Radio und Fernsehen], document à l’appui, selon lesquelles Paris et Berne négociaient un accord prévoyant, en cas du choix du Rafale, un soutien de la France à la Suisse dans les dossiers relatifs à l’Union européenne ainsi que la cession des recettes fiscales provenant des salaires des travailleurs frontaliers à huit cantons suisses [ce qui aurait rapporté 3,5 milliards de francs suisses en dix ans].

De même que le recent rapport du Contrôle fédéral des finances [CDF] qui a remis en cause le fait que le coût des 36 F-35A serait fixe, contrairement aux assurances données jusqu’alors.

« La notion de prix fixe mentionnée dans la ‘Lettre d’offre et d’acceptance’ [LOA] n’est pas clairement définie. Le CDF ne peut pas dire quel type de contrat à prix fixe a effectivement été conclu, respectivement si cela correspond à un prix forfaitaire selon la conception du droit suisse. D’autres éléments, comme la mention répétée de ‘coûts estimés’, laissent planer le doute quant à un prix fixe au sens de forfaitaire », a ainsi résumé la Tribune de Genève. En tout cas, Armasuisse a été appelée « à compléter son inventaire des risques avec les aspects financiers ».

Quoi qu’il en soit, les opposants au F-35 ont fini par déposer leur initiative, le 16 août. Ce qui, théoriquement, ouvre la voie à une votation, dont le résultat pourrait porter un rude coup à la force aérienne suisse, faute de pouvoir remplacer ses F/A-18 Hornet qui arrivent au bout de leur potentiel.

D’autant plus qu’une telle consultation est de nature à susciter un débat au cours duquel l’avion américain sera passé au crible… D’ailleurs, il a déjà commencé, le conseiller national Pierre-Alain Fridez [socialiste] ayant déjà ouvert les hostilités en publiant un livre, dans lequel il demande si le choix du F-35 est une « erreur grossière ou un scandale d’État ».

Cela étant, il n’est pas certain que cette votation puisse se tenir… En effet, l’offre faite par la partie américaine est valable jusqu’au 31 mars 2023. En clair, les contrats doivent impérativement être signés avant cette date butoir. Faute de quoi, de nouvelles conditions d’achat seront à renégocier. D’où la tentation d’un « passage en force« , sans attendre le résultat d’un vote, qui ne peut pas avoir d’effet rétroactif. Et Mme Amherd a prévenu qu’elle offcialiserait la commande de F-35A dès que le Parlement [ou Assemblée fédérale] l’en aura autorisée.

D’après AGEFI, il n’est pas exclu que l’iniative « Stop F-35 » soit déclarée nulle par l’Assemblée fédérale « pour cause de non applicabilité temporelle ». Ce qui ne serait pas inédit, une décision similaire ayant été prise en… 1955. « Mais invalider une initiative populaire est une décision délicate qui ne doit être prise que dans des cas exceptionnels et avec une argumentation solide », prévient cette agence de presse.

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