L’Otan se dit prête à intervenir dans le nord de Kosovo, où de vives tensions sont de nouveau apparues

Votée le 10 juin 1999 par le Conseil de sécurité des Nations unies, la résolution 1244 autorisait, dans son article n°10, le secrétaire général à établir une présence internationale civile au Kosovo dans le but d’y « assurer une administration intérimaire » afin de permettre à la population de ce territoire de « jouir d’un autonomie substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie ».

Pourtant, en février 2008, l’ancienne province serbe proclama unilatéralement son indépendance, sans que la Cour international de justice n’y trouvât à y redire, selon un raisonnement qu’elle détailla dans un avis consultatif rendu le 22 juillet 2010. Seulement, la Serbie s’appuie sur la résolution 1244 pour contester la décision prise par les autorités kosovares il y a maintenant quatorze ans.

Durant ces années, et sous l’égide de l’Union européenne [qui ne reconnaît pas le Kosovo comme État, faute de consensus entre ses États membres], des discussions entre Belgrade et Pristina ont été menées afin d’aboutir à une normalisation de leurs relations. Si plusieurs accords ont été signés par les deux parties, de nombreux contentieux demeurent.

D’autant plus que les tensions entre les Serbes, établis principalement dans le nord de ce territoire, et le reste de la population albanophone persistent. Le poids du passé n’y est pas pour rien, comme en témoigne, par exemple, l’inculpation de l’ex-président kosovar, Hashim Thaçi, par le Tribunal spécial pour le Kosovo pour crimes de guerre et crime contre l’humanité, commis quand il faisait partie de l’Armée de libération du Kosovo [UCK].

Quoi qu’il en soit, depuis maintenant plusieurs mois, un différend entre Belgrade et Pristina donne régulièrement lieu à de nouvelles tensions qui sont à deux doigts de dégénérer en un conflit plus large. Ainsi, les autorités kosovares veulent obliger les Serbes du Kosovo à remplacer les plaques d’immatricutions serbes de leurs véhicules par celles délivrées par la République du Kosovo.

Une mesure de « réciprocité », fait valoir Pristina, étant donné que les Kosovars se rendant en Serbie sont obligés de poser une plaque temporaire serbe puisque Belgrade ne reconnaît pas l’indépendance du Kosovo.

Seulement, les Serbes du Kosovo ont jusqu’à présent toujours refusé qu’une telle décision leur soit appliquée. Et cela provoque de vives tensions chaque fois que ce sujet est mis sur la table… Ainsi, en septembre 2021, la police kosovare intervint dans le nord du territoire pour imposer cette mesure… et faire lever les barrages érigées par les Serbes, tandis que la Serbie déploya une force de réaction rapide à la frontière et enchaîna les vols militaires au-dessus du secteur.

Plus tard, et sans en informer la force de l’Otan [KFOR] et la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo [MINUK], Pristina envoya des unités spéciales de sa police dans le nord, sous couvert de lutte contre la contrebande.

« Ce dont nous avons été témoins dans le nord du Kosovo pourrait être qualifié d’épisode d’ecchymose, mais aurait pu se transformer en une véritable hémorragie », témoignera Zahir Tanin, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo, devant le Conseil de sécurité.

Finalement, les choses rentrèrent dans l’ordre, la mise en oeuvre de la mesure relative aux plaques d’immatriculation ayant été reportée par Pristina, le temps de s’entendre avec Belgrade. Mais, faute d’avoir trouvé un accord, elle devait entrer en vigueur le 1er août… comme une autre décision, consistant à obliger toute personne entrant au Kosovo avec une carte d’identité serbe à remplacer celle-ci par document temporaire délivré par l’administration kosovare.

Aussi, les mêmes causes provoquant les mêmes effets, les Serbes du Kosovo ont alors de nouveau mis en place des barrages sur les routes menant aux points de passage de Jarinje et Brnjak. Et la police kosovare a affirmé avoir été visée par des coups de feu alors qu’elle s’était déployée pour dégager les voies de circulation.

Le 31 juillet, dans un discours à la nation, le président serbe, Aleksandar Vučić, a estimé, que la situation au Kosovo n’avait « jamais été aussi complexe » pour la Serbie et les Serbes qui y sont installés. « L’atmosphère a été portée à ébullition », a-t-il dit, avant d’assurer que la « Serbie gagnera si les Serbes sont attaqués ». Et d’indiquer, plus tard, que Belgrade avait demandé à la commmunauté internationale de tout faire pour convaincre Pristina de revenir sur ses décisions.

De son côté, Albin Kurti, le Premier ministre kosovar, a accusé M. Vučić de vouloir déclencher des « troubles ». Et d’estimer que les « prochaines heures, jours et semaines allaient être difficiles et problématiques ».

Face à cette situation, l’Otan a fait savoir que la KFOR se préparait à intervenir si besoin, dans le cadre du mandat du Conseil de sécurité des Nations unies [et donc de la résolution 1244]. Dans son communiqué, l’organisation dit continuer « soutenir pleinement le processus de normalisation entre Pristina et Belgrade » et « appelle toutes les parties à poursuivre les négociations ».

Cependant, afin de réduire les tensions, le gouvernement kosovar a décidé de reporter d’un mois l’entrée en vigueur des règles qu’il cherche à imposer. Ce qui ne résoud rien…. Car tant qu’elles ne feront pas l’objet d’un accord avec les parties concernées, les tensions réapparaîtront.

Évidemment, la Serbie étant proche de la Russie et le Kosovo ayant l’appui des États-Unis, il est possible que cette situation puisse donner lieu à une lutte d’influence dans la région entre Moscou et Washington, sans oublier les vues d’Ankara et de Pékin. D’autant plus que, d’une manière générale, les Balkans qui, selon le mot de Winston Churchill, « produisent plus d’histoire qu’ils n’en peuvent consommer », connaissent régulièrement des accès de fièvre… Et outre le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine pourrait être en proie à de nouvelles tensions, ce qui a d’ailleurs conduit l’UE à augmenter les effectifs d’Eufor Althea, la mission militaire qu’elle maintient dans le pays.

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