Les États-Unis proposent de vendre 35 F-35A à l’Allemagne pour 8,2 milliards d’euros

En novembre 2017, et alors que le Système de combat aérien du futur [SCAF] venait d’être mis sur les rails par le président Macron et la chancelière Merkel, le général Karl Müllner, chef d’état-major de la Luftwaffe [force aérienne allemande] à l’époque, avait pris fait et cause pour le chasseur-bombardier américain F-35A de Lockheed-Martin, en vue du remplacement des Panavia Tornado, utilisés dans le cadre du partage nucléaire de l’Otan.

« Pour remplacer leurs Tornado, les forces allemandes ont besoin d’un avion de cinquième génération, difficile à détecter par les radars ennemis et capable de frapper des cibles à grande distance. […] Il s’agit vraiment de se donner une capacité de dissuasion. Parce que si vous avez la capacité d’envoyer un avion dans l’espace aérien d’un autre pays sans qu’il se fasse détecter, alors c’est un moyen de dissuasion incroyable », avait en effet plaidé le général Müllner, prenant ainsi le contre-pied des arguments que venait d’avancer Dirk Hoke, alors Pdg d’Airbus Defence & Space, pour qui l’achat du F-35A était de nature à « affaiblir l’industrie européenne de la défense » et à « la rendre de plus en plus tributaire de la technologie américaine ».

Seulement, le général Mûllner fut poussé vers la sortie en mars 2018 pour avoir, selon la presse d’outre-Rhin, exprimé sa préférence pour le F-35A, ce qui n’était pas alors conforme avec la position affichée par Ursula von der Leyen, alors ministre allemande de la Défense. En effet, à l’époque, celle-ci privilégiait l’achat d’Eurofighter EF-2000 supplémentaires pour reprendre la mission nucléaire des Tornado… Seulement, les délais pour certifier l’aptitude de ce type d’appareil à mettre en oeuvre la bombe nucléaire tactique américaine B61-12 étant trop long, Berlin opta, en avril 2020, pour le F/A-18 Super Hornet de Boeing. Un tel choix permettait de ne pas faire de l’ombre au SCAF et de ne pas froisser la partie française…

Cependant, la National Nuclear Security Administration [NNSA] américaine ayant retiré le F/A-18 Super Hornet de la liste des avions devant être certifiés pour emporter la B61-12 en novembre 2021, le choix du F-35A semblait inéluctable pour l’Allemagne… Et l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle coalition gouvernementale emmenée par Olaf Scholz, allait marquer le début d’une nouvelle approche dans ce dossier.

Finalement, quelques jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, M. Scholz fit part de la décision de Berlin de se procurer 35 F-35A et 15 Eurofighter EF-2000 supplémentaires en version « ECR SEAD » pour les missions de guerre électronique. Et le tout via un « fonds spécial » de 100 milliards d’euros, destiné à « réparer » les capacités de la Bundeswehr.

Il restait donc à attendre le feu vert de Washington pour un tel achat. Et il vient d’être donné par la Defense Security Cooperation Agency [DSCA], chargée des exportations d’equipements militaires américains via le dispositif des « Foreign Military Sales » [FMS].

Ainsi, selon l’avis qu’elle a publié le 28 juillet, la DSCA recommande au Congrès d’approuver la vente de 35 F-35A à l’Allemagne, pour un montant estimé à 8,4 milliards de dollars [8,2 milliards d’euros au taux de change actuel].

Outre un soutien logistique, cette somme comprend également deux moteurs F-135-PW-100 de rechange, 105 missiles air-air AIM-120C [AMRAAM], 75 missiles air-sol AGM-158B/B2 JASSM-ER, 344 bombes GBU-53, 162 bombes de type « bunker buster » BLU-109 2000LB, 264 bombes MK-82 500LB et 75 missiles Sidewinder AIM-9X Block II+.

L’avis ne précise pas s’il s’agit de F-35A portés au standard Block 4, c’est à dire la version censée donner à cet appareil toutes les capacités figurant dans son cahier des charges. La mise au point de celle-ci a pris du retard et a généré des surcoûts importants. En outre, elle suppose un nouveau moteur [ou une version améliorée du F-135].

Cela étant, la DSCA a l’habitude de « saler la note » dans ses avis, le prix d’achat effectif étant souvent moins élevé qu’annoncé au moment de la signature du contrat. Mais à titre de comparaison, en octobre 2020, elle avait proposé 40 F-35 pour 6,58 milliards de dollars, mais avec une liste de munitions associées beaucoup plus réduite. Finalement, Berne a décidé d’acquérir 36 appareils, au prix de 5,068 milliards de francs suisses [5,3 milliards de dollars]. Un montant qui est susceptible d’augmenter à l’avenir, comme s’en est récemment inquiété le Contrôle fédéral des finances suisse…

Quoi qu’il en soit, dans son avis, qui n’évoque aucune compensation industrielle [contrairement à ce qu’ont exigé d’autres clients, comme la Suisse et la Belgique], la DSCA justifie cette vente « potentielle » de F-35A à l’Allemagne en usant de ses éléments de langage habituels, savoir qu’elle « soutiendra la politique étrangère et la sécurité nationale des États-Unis en améliorant la sécurité d’un allié de l’Otan qui est une force importante pour la stabilité politique et économique en Europe ».

Et d’ajouter qu’elle « améliorera la capacité » de la Bundeswehr à « faire face aux menaces actuelles et futures en fournissant un remplaçant approprié au Tornado pour la mission de partage nucléaire de l’Otan, pièce maîtresse de la dissuasion en Europe. »

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