Le Service de santé des Armées bénéficiera d’un « investissement majeur » dans la prochaine LPM

Avec la suspension du Service national, les réformes menées dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques [RGPP] en 2008 et le plan SSA 2020, qui prévoyait initialement la suppression de 2’000 postes [sur 16’000] et la différenciation de ses huit hôpitaux d’instruction des armées [HIA], le Service de santé des armées [SSA] ne représente plus aujourd’hui que 1% de l’offre de soins en France. Ce qui ne l’a pas empêché de prendre sa part – à la hauteur de ses moyens – à la gestion de la pandémie de covid-19, en concentrant son action sur les collectivités et territoires d’outre-Mer.

Cela étant, l’activité opérationnelle intense de ces dernières années [Afghanistan, Mali, Centrafrique, etc] et la hausse significative des effectifs de la Force opérationnelle terrestre [FOT] de l’armée de Terre décidée en 2015 ont mis le SSA en surchauffe, avec des médecins et des infirmiers sur-sollicités par les opérations extérieures [OPEX]. Cette situation a été décrite à maintes reprises dans des rapports parlementaires… Et elle a même inquiété le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire [HCECM] pour qui elle ne pourrait pas durer indéfiniment.

« L’intensité de l’engagement du SSA en opérations extérieures et les limites que le service rencontre en termes de ressources humaines l’ont conduit à diminuer son soutien à des activités en métropole », avait-il résumé en 2019, allant jusqu’à évoquer une « dégradation de l’accès aux soins des militaires et de leurs familles ».

De l’avis de beaucoup, le plan SSA 2020 était allé trop loin… Aussi, en octobre 2020, et après avoir décidé de mettre un terme à la déflation de ses effectifs en 2017, Florence Parly, alors ministre des Armées, dévoila une nouvelle feuille de route pour le service, avec l’objectif « d’aligner ses moyens et son organisation de façon cohérente avec le modèle d’armée 2030 ». Et d’insister : « Le SSA est un peu l’asssurance-vie de nos armées et il est la clé de voûte d’un modèle d’armée complet ».

D’où le nouveau plan stratégique SSA 2030, lequel vise à réaffirmer l’identité et la militarité du SSA, à redéfinir ses relations avec la santé publique, à investir de manière ciblée dans des domaines clés [recherche biomédicale, transformation numérique, approvisionnement en médicaments, etc], à renforcer son attractivité et la fidélisation de ses personnels ainsi qu’à redéfinir son organisation interne.

Et cela en vue de garantir « au militaire, une offre de santé singulière au métier des armes et portée vers l’excellence, aux forces armées, l’accomplissement de la mission, aux autorités, sa propre résilience et sa participation à la résilience de la Nation et à la communauté de défense, un accès renforcé à son offre de soins ».

Lors de son audition par la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, la semaine passée, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a rendu un hommage appuyé au SSA… avant d’assurer qu’il disposerait de nouveaux moyens à la faveur de la prochaine Loi de programmation militaire [LPM] en cours de préparation.

« Il faut un investissement majeur dans le Service de santé des armées. En tant qu’ancien ministre des outre-mer, j’ai une dette envers ce service, sans lequel une part importante de nos capacités sanitaires dans ces territoires se serait effondrée – y compris en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, où la compétence sanitaire a été transférée aux collectivités sui generis. Cela pose aussi la question des relations entre le Service de santé des armées et la médecine de ville ou l’hôpital public civil », a déclaré M. Lecornu.

Évidemment, la supension de la conscription a contraint le SSA à se recentrer… et à réduire la voilure, faute de pouvoir s’appuyer sur des appelés qui, ayant terminé leurs études de médecine, exerçaient en unité avec le galon d’aspirant, avant d’être éventuellement versés dans la réserve.

« À l’époque du service militaire, un interne pouvait se voir accorder les galons de médecin capitaine, médecin commandant, voire, pour les spécialistes, médecin lieutenant-colonel, et s’engageait, pour le reste de sa vie, à servir dans la réserve. La suspension du service national a professionnalisé le Service de santé des armées, mais elle l’a aussi recentré sur certaines missions », a ainsi expliqué M. Lecornu [sur ce point, le ministre s’est sans doute laisser emporter par son propos : les médecins ayant effectué leur service militaire avec les galons de capitaine ou de commandant ont dû être très rares…].

En tout cas, en 1996, le SSA comptait 4’500 appelés, dont 835 médecins, qui représentaient alors 25% des effectifs médicaux, et 443 conscrits ayant une formation paramédicale [soit 15% des infirmiers, 25 % des laborantins, 51 % des kinésithérapeutes et la totalité des orthoptistes].

Quoi qu’il en soit, M. Lecornu a fait le constat que « beaucoup d’unités [du SSA] sont fatiguées, après avoir été très sollicitées par les opérations et la crise covid ». Aussi, a-t-il fait valoir, « nous ne pourrons continuer indéfiniment ainsi » et « nulle armée ne peut se projeter sans l’assurance que le sanitaire suivra, nulle famille ne laissera partir un soldat sans assurance que nous donnerons tout pour accompagner blessés et malades ».

En outre, le ministre a souligné la nécessité de mettre des « moyens supplémentaires dans certaines spécialités », comme celle ayant trait aux « blessures psychiques sont tout aussi violentes que certaines blessures physiques ».

Aussi, « j’ai demandé au médecin général des armées qui dirige le Service de santé des armées [le MGA Rouanet de Berchoux, ndlr] de nous faire des propositions. Nous avons une stratégie à l’horizon 2030, mais le covid doit nous inciter à accélérer les choses. Il faut resserrer le calendrier sur certains aspects, et le détendre sur d’autres », a indiqué M. Lecornu.

En attendant, un rapport du Sénat, publié lors des discussions portant sur le projet de loi de finances initiale pour 2022, avait estimé que le SSA était encore « fragile face à l’objectif de haute intensité », la remontée en puissance de la « médecine des forces », amorcée deux ans plus tôt, étant jugée « trop lente », avec plusieurs spécialités essentielles sous forte tension.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]