Le président Macron demande aux Armées de s’impliquer davantage dans le Service national universel

Cela fait maintenant quelques années que l’on tourne autour du pot sur la question de la conscription, suspendue [et non supprimée] en 2001. Depuis, plusieurs dispositifs visant à encadrer la jeunesse sous l’égide des armées ont été mis en place, avec des finalités souvent plus sociales que militaires [Établissement public pour l’insertion dans l’emploi, Service militaire volontaire, cadets de la Défense, etc].

Cependant, figurant dans les programmes de certaines formations politiques, la question d’un éventuel rétablissement de la conscription revient régulièrement dans le débat, en particulier lors de l’élection présidentielle, comme cela a été le cas en novembre dernier, avec la proposition de Michel Barnier, alors candidat à la la primaire du parti « Les Républicains », d’organiser un référendum en vue d’instituer un service militaire et de sécurité obligatoire de six mois. C’est « un moteur de l’intégration républicaine [qui] nous manque aujourd’hui », fit-il valoir à l’époque.

Cinq ans plus tôt, le candidat Emmanuel Macron avait défendu un « service militaire universel » d’un mois, afin de disposer d’un « réservoir mobilisable complémentaire de la Garde nationale » en cas de crise et de « renforcer le lien ‘armée-nation' ». Mais mettre en place un tel dispositif était compliqué, faute d’infrastructures ad hoc, surtout après la réforme de la carte militaire de 2008. Et les Armées n’y étaient pas favorables.

Aussi, l’élection passée, ce projet se mua en « Service national universel » [SNU], s’articulant autour de trois phases [séjour de cohésion de 15 jours, mission d’intérêt général de 84 heures et engagement volontaire d’au moins trois mois]. Lancé en 2019, il a d’abord fait l’objet d’une expérimentation avec 2000 jeunes volontaires. Puis, la session 2020 ayant annulée à cause de la pandémie de covid-19, il a concerné 15’000 jeunes pour des stages de cohésion l’an passé. Désormais, l’objectif est d’en réunir 50’000.

La participation des armées à ce dispositif est limitée… En outre, le projet de Loi de programmation militaire 2019-25 avait été amendée par les Parlementaires, qui firent en sorte que les crédits de la mission Défense ne fussent pas détournés pour le financer. Mais cela va changer à l’avenir… En tout cas, c’est la voie tracée par le président Macron lors de la traditionnelle allocution prononcée à l’Hôtel de Brienne avant le défilé du 14-Juillet.

Durant son discours, estimant, comme Thucydide, que « la force de la cité ne réside ni dans ses remparts, ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens », le chef de l’État a longuement évoqué la nécessité de développer et d’entretenir la « force morale » des Armées et celle de la Nation.

« Il y a une réciprocité importante entre la force morale d’une Nation et celle de ses armées, qui se nourrissent mutuellement. Depuis Valmy et la Nation en armes, notre histoire nous le démontre », a lancé M. Macron. La référence à la première bataille importante remportée par l’armée révolutionnaire française n’est pas anodine car elle évoque la figure du « soldat citoyen »…

« J’ai exprimé à plusieurs reprises mon attachement et mon intérêt pour les savoir-faire des militaires […]. J’ai pu observer vos dispositifs de formation qui sont des chances pour les jeunes qui vous sont confiés. Cette pédagogie du compagnonage, la présence parfois rugueuse mais permanente, et en réalité bienveillante, de cadres qui prennent en compte le soldat, le marin, l’aviateur dans toute son humanité, le témoignage des anciens, les histoires racontées, les rituels partagés. Tout cela constitue un trésor que d’autres ont parfois perdu, voire dilapidé », a enchaîné M. Macron.

Aussi, à l’heure où la guerre est de retour sur le sol européen, il s’agit de passer la vitesse supérieure. « Comprenons-nous bien. Il ne s’agit pas de militariser la jeunesse, encore moins la société, ça n’aurait pas de sens. Mais au moment où la République est traversée de mouvements sombres, où la Nation a besoin de retrouver le sel de son histoire [et] son sens profond pour être plus forte et plus unie, la République a besoin que vous fassiez davantage », a affirmé le chef de l’État.

Et, au-delà des initiatives – nombreuses – du ministère des Armées en direction de la jeunesse, M. Macron veut que les militaires en fassent plus, notamment en « donnant à nos réserves une nouvelle ambition », l’objectif étant de « doubler le volume de la réserve opérationnelle », et « en investissent plus et mieux le grand projet de Service national universel ».

« C’est un axe essentiel des prochains mois et des prochaines années. L’expérimentation fonctionne. Nous devons désormais avancer vers le plein déploiement et aller au bout de notre démarche », a poursuivi M. Macron. « Le SNU dans sa complétude doit permettre d’amorcer, d’encourager et d’universaliser, en quelque sorte, la logique qui est la nôtre, car c’est toute la société française que je souhaite mobiliser en renforçant nos esprit de cohésion nationale. […] Résilience et cohésion nationale doivent être consolidées », a-t-il insisté.

Aussi, « pour cela, je m’appuierai sur vous, militaires, qui cultivez au plus haut point l’esprit d’équipe et d’équipage, qui portez la solidarité en tant que valeur primordiale. Et les valeurs de transmission et de discipline au coeur de l’organisation », a indiqué M. Macron.

Reste maintenant à voir les modalités de cette implication plus importante des armées dans le SNU… Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, la secrétaire d’État aux Anciens combattants, Patricia Mirallès et Sarah El Haïry, la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service national universel, placée sous la tutelle des ministère des Armées et de l’Éducation nationale, auront à remettre des propositions au chef de l’État au cours de l’été. La seule certitude est que les dépenses que cela engendrera ne seront pas financées par la mission « Défense ».

« Je veillerai à ce que les ressources nécessaires y soient consacrées sans préempter les besoins budgétaires que nous devons préserver pour l’accomplissement de votre mission première », a en effet assuré M. Macron devant les militaires présents à l’Hôtel de Brienne. Mais il n’en demeure pas mois qu’il faudra aux armées trouver le personnel appelé à s’impliquer dans le SNU. Ce qui ne sera pas une mince affaire…

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