Bamako accuse des soldats de l’Élément national de soutien ivoirien de la MINUSMA d’être des « mercenaires »

La semaine passée, et après que la junte malienne a annoncé la mise en place d’une commission devant élaborer une nouvelle Constitution devant être soumise à un référendum en mars 2023 ainsi qu’un calendrier pour la tenue d’élections présidentielles et législatives dans la deux ans à venir, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [Cédéao] a levé ses sanctions commerciales et financières prises en janvier dernier contre le Mali.

Pour autant, cet épisode aura laissé des traces, les relations entre Bamako et plusieurs membres de la Cédéao s’étant tendues après l’adoption de ces sanctions. Et en particulier celles avec la Côte d’Ivoire, son président, Alassane Ouatarra, ayant affiché une grande fermeté à l’égard de la junte malienne.

D’ailleurs, en réponse, celle-ci avait remis en liberté Sess Soukou Mohamed, dit « Ben Souk », un ancien député ivoirien arrêté au Mali en août 2021, alors qu’il était recherché en Côte d’Ivoire après avoir été condamné à 20 ans de prison par contumace pour « atteinte à l’autorité de l’État » et « complot ».

Quoi qu’il en soit, la levée des sanctions de la Cédéao n’aura pas aplani les tensions entre les deux pays. Ainsi, le 11 juillet, la junte malienne a annoncé de 49 militaires ivoiriens à leur descente d’avion, à Bamako, où ils venaient d’arriver pour relever leurs camarades de l’Élément national de soutien [NSE] du contingent de Casques bleus déployé par la Côte d’Ivoire au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali [MINUSMA]. Le motif? Il s’agirait de « mercenaires ».

« Il ressort que ces militaires, dont une trentaine des forces spéciales, étaient en possession d’armes et de munitions de guerre, sans ordre de mission ni autorisation », que leur « profession était pour la plupart dissimulée » et qu’ils ont « avancé quatre versions différentes pour jutifier leur présence sur le territoire malien, à savoir la mission confidentielle, la rotation dans le cadre de la MINUSMA, la sécurisation de la base logistique de la compagnie aérienne ‘Sahelian Aviation Services’ et la protection du contingent allemand [de la MINUSMA, ndlr] », est-il avancé dans le communiqué publié par la junte malienne.

Et celui d’ajouter : « Le dessein funeste des personnes interpellées était manifestement de briser la dynamique de refondation et de la sécurisation du Mali ainsi que du retour à l’ordre constitutionnel ».

Évidemment, il est difficilement imaginable que des mercenaires présumés puissent arriver avec armes et bagages à l’aéroport de Bamako avec l’intention de tenter un coup de force… La Côte d’Ivoire en sait d’ailleurs quelque chose, avec la mystérieuse attaque, en avril 2021, du camp militaire de N’Doré [nord d’Abidjan], lequel abrite justement le 2nd bataillon projetable des forces armées ivoiriennes [FANC], régulièrement sollicité pour participer aux opérations des Nations unies. A priori, les assaillants, de nationalité étrangère, avaient agi au nom d’une entreprise appelée ALCI… Et plus d’un an après, on en ignore encore les tenants et les aboutissants…

Quoi qu’il en soit, et selon l’état-major ivoirien, sollicité par RFI, les 49 soldats interpellés font bien partie de la contribution de la Côte d’Ivoire à la MINUSMA, une partie de leur mission étant effectivement d’assurer la sécurité de Sahel Aviation Service, une compagnie qui, dirigée par un ressortissant allemand, travaille pour le compte de la mission des Nations unies [mais aussi pour celui d’ONG].

Via Twitter, le porte-parole de la MINUSMA, Olivier Salgado, a expliqué que des soldats ivoiriens « sont déployés depuis plusieurs années au Mali dans le cadre d’un appui logistique pour le compte de l’un de nos contingents » et que leur « relève du 10 juillet aurait été préalablement communiquée aux autorités » maliennes.

Et d’ajouter : « Les Éléments Nationaux de Soutien [NSE] sont des effectifs nationaux déployés par les Pays Contributeurs de Troupes, en soutien à leurs contingents. Il s’agit d’une pratique communément appliquée dans les missions de maintien de la paix. Ils ne sont pas comptabilisés dans les effectifs de la MINUSMA ».

Par ailleurs, cette affaire survient quelques jours après la reconduction du mandat de la MINUSMA pour une année supplémentaire, dans des termes qui ne conviennent pas à la junte malienne, celle-ci s’opposant à ce que la mission de l’ONU puisse enquêter sur des exactions possiblement commises par les forces armées maliennes et le groupe russe Wagner, qui, pour le coup, emploie de vrais mercenaires…

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