M. Macron veut un investissement « clair et fort » pour consolider le modèle d’armée complet

En 2021, le gouvernement a procédé à un « ajustement » de la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 alors qu’il était prévu d’actualiser cette dernière par voie parlementaire, comme le prévoyait son article 7, pour en préciser les dernières annuités de sa trajectoire financière « en prenant en compte la situation macroéconomique ».

S’il fut critiqué par les parlementaires [et en particulier par les sénateurs], cet ajustement de la LPM se déclina selon trois axes : « Mieux détecter et contrer », « Mieux se protéger » et « Mieux se préparer ». Et il était alors question de développer certaines capacités [à enveloppe constante, ndlr], notamment dans les domaines du NRBC [nucléaire – radiologique – biologique et chimique], de la lutte anti-drone, du spatial, du cyber et de la « guerre des fonds marins ».

Depuis, le budget des armées a été porté à 40,9 milliards d’euros [moins une annulation de crédits de 300 millions qui devraient cependant être récupérés là l’occasion de le prochaine loi de finances rectificative], la Russie a envahi l’Ukraine et… la Cour des comptes a publié un rapport dans lequel elle a estimé que, compte tenu de la dégradation des finances publiques et de l’évolution défavorables des paramètres macro-économiques, le modèle d’armée complet ne serait plus tenable, sauf à consentir un effort financier important aux dépens d’autres priorités gouvernementales.

Or, d’après les propos qu’il a tenus à l’occasion de l’ouverture du salon de l’armement terrestre Eurosatory 2022, ce 13 juin, le président Macron envisage des investissements supplémentaires pour les armées.

« J’ai demandé au ministre [des Armées] et au chef d’état-major des armées de mener dans les semaines qui viennent une réévaluation de cette Loi de programmation militaire à l’aune du contexte géopolitique », a-t-il annoncé. « Ce travail donnera lieu […] à une nouvelle planification et à un investissement dans la durée, clair et fort, de la Nation pour pouvoir accompagner ce bouleversement du monde, consolider notre modèle d’armée complet mais aussi nous positionner encore plus fortement sur l’évolution à la fois de la menace et des réalités que nous sommes en train de vivre aussi bien sur le théâtre sahélien que dans cette guerre de haute intensité revenue sur le sol européen », a déclaré Emmanuel Macron.

Cela étant, « nous n’avons pas attendu les changements stratégiques pour réinvestir », a-t-il rappelé, dans une allusion à la hausse continue du budget des armées depuis cinq ans. Mais la guerre en Ukraine fait peser une « exigence supplémentaire pour aller plus vite, plus fort, au moindre coût », a-t-il estimé.

« Il nous reste beaucoup à faire pour nous adapter aux transformations profondes que nous sommes en train de vivre. Et pour qui douterait de l’urgence de ces efforts, il suffit de regarder une fois encore, vers l’Ukraine, dont les soldats réclament un armement de qualité et qui sont en droit d’avoir une réponse là aussi de notre part », a fait valoir le chef de l’État. Aussi, a-t-il poursuivi, « nous prendrons les décisions des investissements et nous aurons les exigences qui vont avec ».

Et cela passera par une « economie de guerre », dans laquelle, a estimé M. Macon, la France est « entrée » et « dans laquelle nous allons durablement nous organiser » car « on ne peut plus vitre avec la grammaire d’il y a un an ».

À propos d’économie de guerre, et selon des informations du quotidien Le Monde, la Direction générale de l’armement [DGA] est en train d’élaborer un texte législatif qui permettrait de réquisitionner certaines capacités de production ainsi que des matériaux critiques [titane, métaux rares, etc] et des composants [semi-conducteurs] à des fins militaires. Il s’agirait de s’inspirer du « Defense Priorities and Allocations System Program » [DPAS] qui, en vigueur aux États-Unis depuis la guerre de Corée, autorise le Pentagone à mobiliser et réorienter des ressources à des fins de sécurité nationale.

Par ailleurs, M. Macron a une nouvelle fois plaidé en faveur de davantage de coopération européenne en matière de défense. « Ne repartons pas de l’avant pour reproduire les erreurs du passé, dépenser beaucoup pour acheter ailleurs n’est pas une bonne idée », a-t-il soutenu, alors que l’industrie américaine de l’armement devrait profiter d’une bonne partie du « fonds spécial » mis en place par l’Allemagne pour financer la remontée en puissance de ses forces armées. « L’heure est à la mise en place d’une préférence européenne », a-t-il dit. « Nous avons besoin de renforcer une industrie et une base industrielle et technologique de défense européenne beaucoup plus forte et beaucoup plus exigeante […] sinon nous construirons les dépendances de demain », a-t-il insisté.

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