Le standard F5 du Rafale « devrait être en préparation à partir de 2023 », selon le Délégué général pour l’armement

Alors que les députés allemands ont fini par voter les crédits nécessaires à sa poursuite [avec des bémols, cependant] et que la France, l’Allemagne et l’Espagne ont signé, en août 2021, « l’arrangement d’application n°3 » [IA3] relatif à sa phase 1B, laquelle doit permettre la mise au point d’un démonstrateur, le programme SCAF [Système de combat aérien du futur] est toujours suspendu à un accord que doivent conclure Dassault Aviation et les filiales allemande et espagnole d’Airbus pour le développement de l’avion de combat de 6e génération sur lequel il reposera. Il s’agit du pilier n°1 de ce projet, qui en compte cinq [avion, moteur, cloud de combat, effecteurs déportés et capteurs, ndlr].

Pour rappel, Dassault Aviation entend garder les leviers lui permettant d’exercer la maîtrise d’oeuvre qui lui a été confiée… et donc d’avoir la main sur les commandes de vol [dont il est un spécialiste reconnu], l’architecture fonctionnelle, la furtivité et l’interface homme-machine. Sauf qu’Airbus, à qui reviendra pourtant les deux tiers de la production du NGF, ne l’entend pas ainsi. D’où ce blocage qui s’éternise.

En mars dernier, le Pdg du constructeur français, Éric Trappier, n’a d’ailleurs pas caché son agacement face aux revendications d’Airbus. « Quelque part, je pense que l’on a suffisamment fait d’efforts pour que, maintenant, on puisse y aller. […] J’accepte d’être leader que si j’ai les leviers pour l’être. Si c’est pour faire du co-co-co, puisqu’on est trois maintenant, je ne le ferai pas parce que ce serait mentir à nors forces armées que d’être capable de faire quelque chose en co-développement sans leader et de leur assurer une performance, un délai et un coût », a-t-il dit lors de la présentation des résultats de Dassault Aviation pour l’année 2021.

Et d’insister : « Avec la France qui est leader sur le contrat, Dassault Aviation est prêt à signer. On a fait tout ce qu’il fallait pour pouvoir signer avec Airbus. J’attends la signature d’Airbus. […] En 2022, il va falloir statuer, on ne peut pas rester l’arme au pied, à un moment donné on dit oui ou on dit non ».

La phase 1A du SCAF devant se terminer au premier trimestre de cette année, Dassault Aviation a donc réorienté ses ingénieurs vers d’autres activités, faute d’avancée dans les discussions avec Airbus.

Près de trois mois plus tard, le dossier n’a pas avancé d’un iota. Lors d’une audition au Sénat, début mai [le compte-rendu vient d’être publié, ndlr], le Délégué général pour l’armement, Joël Barre, a indiqué que la situation était « toujours bloquée en raison de différences de vues entre Airbus et Dassault ».

« Sur ce point, je défends la position suivante : il existe un accord entre les deux industriels concernant la phase 1B – qui devait être engagée en 2021 et que nous pouvons espérer engager d’ici fin 2022 si nous parvenons à conclure les discussions -, portant sur la période 2022-2025. Il faut qu’Airbus signe le contrat que Dassault lui a proposé », a dit M. Barre.

En outre, a-t-il ajouté, « la France, l’Allemagne et l’Espagne doivent de leur côté souligner qu’un processus d’engagement de la suite du programme a été prévu dans leur accord de coopération signé le 30 août 2021 ». Aussi propose-t-il que les « trois États rédigent une déclaration d’intention indiquant qu’ils saluent la signature des contrats de la phase 1B, et qu’ils appliqueront les dispositions de passage de la phase 1B à la suite – dispositions qui sont prévues dans l’accord de coopération ». Le DGA a dit avoir « fait une proposition à [ses] homologues en ce sens » et attendre « leur retour dans les jours à venir ». Et, depuis, rien n’a bougé…

Par ailleurs, la rencontre de M. Barre avec son homologue allemand, le 10 mai dernier, n’a apparemment rien donné… Pas plus que l’entretien; la veille, du président Macron avec le chancelier Scholz.

« Je suis d’accord […] pour dire que nous devons être fermes à l’égard de la partie allemande concernant les engagements qui ont déjà été pris – en particulier l’organisation industrielle prévoyant une responsabilité claire par pilier. Il faut un maître d’oeuvre et un architecte pour l’avion. Le meilleur du domaine doit être en l’occurrence désigné, soit Dassault France et non Airbus Allemagne. Enfin il faut que l’équilibre entre les deux pays soit apprécié à l’aune de l’ensemble des programmes en coopération », a par ailleurs fait valoir M. Barre.

Seulement, que se passera-t-il se ce blocage persiste, comme la demandé le sénateur Christian Cambon, au DGA? « Je veux croire à notre capacité à trouver une solution avec nos partenaires industriels et étatiques allemands et espagnols », a-t-il d’abord répondu… avant de rappeler que « en tout état de cause, […] nous poursuivons les développements du Rafale, notamment le standard F5 prévu à l’horizon 2035 ».

Justement, et alors que le standard F4 du Rafale est en cours de développement, M. Barre a indiqué aux sénateurs que ce standard F5 « devrait être en préparation à partir de 2023 ».

En tout cas, l’idée d’un possible échec du SCAF fait son chemin… En février, les députés Jean-Louis Thiériot et Patricia Mirallès l’avait évoquée dans leur rapport sur l’engagement de haute intensité, estimant que ce programme devenait de « plus en plus hypothétique », ce qui a été conforté, depuis, par la décision de l’Allemagne de commander des F-35A auprès des États-Unis.

Avant eux, leur collègue Christophe Lejeune s’était gardé d’aller plus loin, soulignant seulement que les retards probables du SCAF allaient rendre nécessaire le développement du standard F5 du Rafale, ne serait-ce que pour permettre la continuité de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire.

« Il importe de veiller à disposer des moyens de développer un standard F5 robuste et performant, et ce d’autant que le NGF du SCAF n’emportera sans doute pas l’arme nucléaire dès 2040 », avait écrit le parlementaire, dans son avis budgétaire concernant les forces aériennes.

Pour le moment, les contours du Rafale F5 ne sont pas définitivement arrêtés. Dans un entretien donné à DSI, le général Frédéric Parisot, le major général de l’armée de l’Air & de l’Espace, avait confié qu’il « sera doté d’un nombre impressionnant de capacités, dont certaines que nous n’imaginons pas encore ». Ce nouveau standard « nous permettra d’améliorer encore la capacité d’entrée en premier du Rafale, avec de nouveaux capteurs et armements, mais également des capacités à communiquer, à collaborer et à être interopérable », avait-il précisé.

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