La République de Chypre sollicitée pour envoyer en Ukraine ses équipements militaires d’origine russe

En conflit larvé avec la Turquie [membre de l’Otan] en raison de l’occupation, par cette dernière, du nord de son territoire et des visées turques sur ses gisements potentiels de gaz naturel, la République de Chypre a rejoint l’Union européenne [UE] en 2004. Et, jusqu’a présent, elle a toujours entretenu de très bonnes relations avec la Russie, notamment sur le plan financier, Moscou ayant investi dans l’île plus de trente milliards de dollars en vingt ans. Ce qui en fait aussi une « terre d’asile » pour les oligarques russes.

Ces bonnes relations avec Moscou ont également des implications militaires. Ce qui explique qu’une bonne partie des équipements mis en oeuvre par la Garde nationale chypriote est d’origine russe, comme les chars T-80, les véhicules de combat d’infanterie BMP-3, les hélicoptères Mil Mi-35, les systèmes d’artillerie BM-21 Grad ou bien encore les batteries de défense aérienne Buk M1 et Tor M1.

Par ailleurs, en 2015, il avait été annoncé que Chypre et la Russie allaient renforcer leur coopération militaire, Nicosie ayant accepté d’accorder des facilités aux navires russes croisant en Méditerranée orientale en cas de « situation d’urgence » et de « missions humanitaires ». Ce qui avait été vu d’un mauvais oeil au sein de l’UE étant donné que Moscou venait alors d’annexer la Crimée. « Chypre et la Russie ont toujours eu de bonnes relations, et ça ne changera pas », avait répondu Níkos Anastasiádis.

Seulement, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a changé la donne. Et la République de Chypre a rapidement soutenu les sanctions prises par l’UE à l’égard de Moscou, même si celles-ci étaient de nature à avoir de lourdes répercussions sur son économie. Nicosie est « solidaire de tous les Européens », a affirmé le président Anastasiádis. Voire plus.

Bien que n’appartenant par à l’Otan, la République de Chypre a en effet été sollicitée par Washington pour livrer ses équipements militaires d’origine russe à l’Ukraine. Révélée par le quotidien Kathimerini, cette information a été confirmée par Charalambos Petrides, le ministre chypriote de la Défense.

Cependant, il a fait observer qu’un tel transfert serait compliqué à mettre en oeuvre, notamment s’agissant de la manière dont les matériels concernés seraient remplacés, alors que les États-Unis n’ont levé que partiellement l’embargo sur les armes qu’ils avaient imposé à Nicosie en 1987, afin de ménager la Turquie.

D’un autre côté, le maintien de ces équipements d’origine russe dans l’inventaire de la Garde nationale chypriote pourrait être un mauvais calcul : en raison des sanctions prises contre Moscou, il sera compliqué d’assurer leur maintien en condition opérationnelle [MCO].

Vice-président du DISY [Rassemblement démocrate, le parti au pouvoir, ndlr], Harris Georgiades s’est dit favorable à l’envoi en Ukraine des équipements de facture russe, à la condition de ne pas réduire les « capacités défensives » de la Garde nationale chypriote. Ce qui suppose qu’ils soient remplacés… mais sans toutefois « entraîner d’importantes dépenses ».

Principale formation de l’opposition, le Parti progressiste des travailleurs [AKEL] est vent debout contre ce possible transfert d’équipements militaires. « L’implication de Chypre dans la confrontation militaire en Ukraine ne contribuera ni à la paix ni à la fin de l’effusion de sang et ira à l’encontre des intérêts de notre pays », a-t-il fait valoir.

« Nous notons également qu’à un moment où des informations indiquent que le gouvernement américain formule de telles demandes, la Turquie, puissance occupante [du nord de l’île, ndlr], a été déclarée ‘force de maintien de la paix’ en Ukraine, malgré son refus d’instituer des sanctions contre la Russie », a-t-il conclu, en faisant allusion au rôle de médiateur que tient Ankara dans le conflit russo-ukrainien.

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